Mercredi 19 novembre 2025, lors du Forum économique algéro‑vietnamien à Alger, le ministre du Commerce, Kamel Rezig, a une fois de plus déroulé le tapis rouge de son grand discours sur le « partenariat historique » entre l’Algérie et le Vietnam. Des formules soigneusement choisies : « saut qualitatif », « coopération durable et productive », « pont commercial Méditerranée‑Pacifique ». Cependant, l’écart entre les annonces et les résultats commerciaux demeure évident.
Les chiffres sont impitoyables. En 2024, l’Algérie a importé pour plus de 365 millions de dollars de produits vietnamiens — téléphones portables, vêtements, pièces détachées, riz, café, épices… En face, nos exportations vers Hanoï plafonnent à quelques dizaines de millions, principalement des matières premières ou semi-finies : dattes, huile d’olive, poudre de caroube. Résultat : un déficit commercial abyssal, qui ne cesse de se creuser d’année en année.
Rezig se félicite pourtant d’une « progression spectaculaire » : entre 2017 et 2021, nos exportations vers le Vietnam seraient passées d’un million à… 35 millions de dollars. Traduction : on est passé de presque rien à toujours presque rien. Un exploit en trompe-l’œil.
Quant aux fameuses « usines communes » annoncées tambour battant, ce refrain revient à chaque partenariat avec la Chine, la Turquie, l’Inde ou la Corée du Sud : mêmes forums grandioses, mêmes signatures de protocoles, mêmes dîners et selfies. Et à chaque fois, le résultat est identique : quelques lignes d’assemblage, des emplois précaires, et des conteneurs étrangers qui continuent d’affluer dans nos ports.
Le futur « Conseil d’affaires algéro-vietnamien » ? Même scénario : poignées de main, photos, communiqués triomphants… puis retour à la case départ. Pendant ce temps, le « tigre asiatique » n’a aucun besoin d’installer des usines en Algérie : il a déjà conquis notre marché sans bouger un orteil.
Kamel Rezig rêve tout haut d’un « pont commercial Méditerranée-Pacifique ». Ce pont existe déjà, monsieur le ministre. Il fonctionne… mais dans un seul sens : du Vietnam vers l’Algérie. Et il vide nos réserves de devises à vitesse grand V. Le « tigre asiatique » n’a pas besoin de rugir à Alger : il a déjà planté ses griffes dans nos ports et nos rayons de supermarchés. Il nous vend tout, du smartphone au string, et nous, on lui vend… des dattes et des pieds de poulet. Voilà la « coopération gagnant-gagnant » version 2025.
Le forum est terminé. Les discours sont pliés. Les selfies sont sur Instagram. Les conteneurs vietnamiens, eux, sont déjà en route vers Alger, Oran et Annaba. Demain matin, ils débarqueront. Et l’Algérie continuera de payer le prix fort : en devises qu’on n’a plus, en emplois qu’on n’aura jamais, et en crédibilité qu’on a déjà perdue depuis longtemps.
Mais rassurez-vous : l’an prochain, un nouveau forum se tiendra, peut-être avec la Malaisie ou l’Indonésie. Et on recommencera. Parce que chez nous, vendre du rêve reste le seul produit que l’on sait encore exporter… en quantités illimitées.


























