Vendredi, près de 90 villes allemandes ont été le théâtre de manifestations massives d’étudiants et de jeunes contre le projet de loi sur le service militaire adopté par le Bundestag, destiné à renforcer les effectifs de la Bundeswehr. Organisées par l’« Initiative de grève scolaire contre le service militaire obligatoire », ces mobilisations ont rassemblé des milliers de participants, accompagnés de leurs parents, dans une démonstration de mécontentement inédit depuis des années.
À Berlin, plus de 3 000 manifestants se sont réunis près de la station Hallesches Tor avant de défiler vers Orania Platz. Les banderoles et pancartes exprimaient des revendications claires : « Des places pour la formation professionnelle plutôt que la guerre », « Allez au front, pas moi », ou encore « M’engager dans l’armée n’est pas ma priorité ». Des rassemblements similaires ont eu lieu dans de nombreuses autres villes, dont Hambourg, Potsdam, Cottbus, Cologne, Essen, Düsseldorf, Hanovre, Stuttgart, Ulm, Tübingen et Heidelberg, illustrant l’ampleur nationale de la contestation.
Cette nouvelle législation marque un tournant dans la politique militaire allemande. Initialement, la coalition dirigée par le chancelier Friedrich Merz envisageait de rétablir une conscription masculine basée sur un système de loterie, mais l’opposition du Parti social-démocrate (SPD) a conduit à un compromis : le service restera volontaire, avec la possibilité de devenir obligatoire si les objectifs de recrutement ne sont pas atteints.
Concrètement, tous les hommes de 18 ans et plus pourront s’engager pour un service militaire d’au moins six mois, tandis que les femmes pourront également y participer sur une base volontaire. Dès janvier 2026, les jeunes recevront un questionnaire pour exprimer leur intérêt, et à partir de juillet 2027, un examen médical sera obligatoire pour tous les hommes afin d’évaluer leur aptitude au service militaire. Ces mesures visent à préparer l’armée allemande à répondre rapidement aux besoins de défense en cas de crise ou de conflit.
Le gouvernement allemand cherche à accroître significativement les effectifs de la Bundeswehr, actuellement de 182 000 militaires actifs, pour atteindre 270 000 soldats et 200 000 réservistes d’ici 2035. Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a précisé que le service militaire resterait volontaire « si les choses se déroulent comme prévu », mais que son extension pourrait devenir nécessaire en cas de détérioration de la situation sécuritaire, notamment face aux tensions croissantes avec la Russie.
Ces manifestations traduisent également une profonde inquiétude de la jeunesse allemande quant à l’avenir et aux priorités nationales. « Nous ne voulons pas passer six mois enfermés dans des casernes, à apprendre à tuer », ont déclaré les organisateurs sur les réseaux sociaux. « La guerre ne crée aucun avenir et détruit nos moyens de subsistance. » À Hambourg, environ 1 500 participants étaient attendus, malgré les recommandations des écoles de ne pas retirer les élèves pour la journée.
Le vote au Bundestag s’est soldé par 323 voix pour et 272 contre, faisant de l’Allemagne le dernier pays européen à réintroduire une forme de service militaire révisé. Cette initiative s’inscrit dans le contexte de pressions exercées par l’OTAN et les États-Unis pour renforcer les capacités militaires des pays membres face aux menaces perçues, notamment de la part de la Russie. Friedrich Merz, fervent partisan d’une Bundeswehr forte, souhaite reconstruire l’armée allemande pour en faire l’une des plus puissantes d’Europe, répondant ainsi aux exigences de sécurité du continent.
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