Le samedi 13 décembre 2025, la Biélorussie a annoncé la grâce et la libération de 123 prisonniers, parmi lesquels des figures emblématiques de l’opposition et des défenseurs des droits humains. Cette décision, prise par le président Alexandre Loukachenko, intervient dans le cadre d’un accord négocié avec les États-Unis, qui ont en contrepartie levé certaines sanctions économiques, notamment sur le secteur du potasse, un export clé pour l’économie biélorusse.
Parmi les libérés figurent Ales Bialiatski, colauréat du prix Nobel de la paix 2022 et fondateur de l’ONG Viasna, ainsi que Maria Kolesnikova, icône des manifestations de 2020. D’autres noms notables incluent Viktor Babaryko, ancien banquier et candidat potentiel à la présidentielle de 2020, ainsi que des journalistes, militants et citoyens étrangers accusés d’espionnage ou d’activités extrémistes.
Ces libérations font suite à la vague de répression massive déclenchée après l’élection présidentielle d’août 2020, largement contestée et considérée comme frauduleuse par l’opposition et la communauté internationale. Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, avait alors écrasé des manifestations pacifiques historiques, arrêtant des milliers de personnes. Ales Bialiatski et Maria Kolesnikova avaient été inculpés pour leur rôle dans ces protestations et condamnés à de lourdes peines.
Ales Bialiatski, âgé de 63 ans, avait passé plus de 1 600 jours en détention. Fondateur en 1996 de Viasna (« Printemps »), principale organisation de défense des droits humains en Biélorussie, il documentait les abus du régime depuis des décennies. Son prix Nobel, partagé avec Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine), lui avait été décerné en 2022 alors qu’il était déjà emprisonné. À sa sortie, il a déclaré : « Le combat continue. Des milliers de personnes restent emprisonnées simplement parce qu’elles ont choisi la liberté. »
Maria Kolesnikova, 43 ans, musicienne flûtiste de formation, était devenue un symbole de résistance. Coordinatrice de la campagne de Viktor Babaryko, elle avait refusé son expulsion forcée en septembre 2020 en déchirant son passeport à la frontière ukrainienne. Condamnée à 11 ans de prison, elle a passé une grande partie de sa détention en isolement, avec des craintes sérieuses pour sa santé.
L’accord a été conclu après des négociations directes à Minsk entre Loukachenko et un émissaire américain. La majorité des libérés (114 selon les autorités ukrainiennes) ont été transférés directement vers l’Ukraine, avec la possibilité de rejoindre ensuite la Pologne ou la Lituanie. Un petit groupe, dont Ales Bialiatski, a été conduit à Vilnius, où il a été accueilli à l’ambassade américaine.
Le comité Nobel norvégien a exprimé son « profond soulagement » et appelé à la libération de tous les prisonniers politiques restants. L’opposition en exil, menée par Sviatlana Tsikhanouskaya, a salué cette avancée tout en rappelant que plus de 1 200 prisonniers politiques demeurent détenus, selon Viasna.
Depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle administration américaine, plusieurs vagues de libérations ont eu lieu (plus de 430 depuis 2024), en échange d’allégements progressifs de sanctions. Cette fois, la levée concerne le potasse, vital pour les revenus biélorusses.
Depuis l’Ukraine, Maria Kolesnikova a déclaré : « J’attends le moment où nous pourrons tous nous revoir et être libres. » Sa sœur a confirmé qu’elle paraissait en bonne forme malgré les années d’isolement.
Cette vague de grâces, la plus importante depuis 2020, soulève l’espoir d’un dégel plus large, tout en illustrant les enjeux géopolitiques complexes en Europe de l’Est. Le combat pour une Biélorussie démocratique, symbolisé par ces figures libérées, est loin d’être achevé.


























