À la veille du second tour de l’élection présidentielle chilienne, ce dimanche 14 décembre 2025, le pays s’avance vers les urnes dans un climat de tension et d’inquiétude inédit depuis le retour à la démocratie. Longtemps épargné par les niveaux de violence observés ailleurs en Amérique latine, le Chili voit aujourd’hui l’angoisse liée à la montée de la criminalité s’imposer comme le principal moteur du vote, redéfinissant en profondeur les rapports de force politiques.
Cette inquiétude collective, nourrie par l’augmentation des homicides, des enlèvements et par l’implantation de réseaux criminels transnationaux, a dominé la campagne électorale, reléguant au second plan les débats économiques et sociaux. Amplifiée par les réseaux sociaux et une couverture médiatique anxiogène, la perception d’un pays devenu moins sûr a progressivement imposé un récit sécuritaire au cœur du scrutin.
Dans ce contexte, le candidat d’extrême droite José Antonio Kast apparaît comme le grand bénéficiaire de cette séquence politique. Porteur d’un discours de fermeté assumée, promettant expulsions massives de migrants en situation irrégulière, militarisation des frontières et durcissement carcéral inspiré du modèle salvadorien, il incarne pour une partie de l’électorat une réponse immédiate à la peur et au sentiment de perte de contrôle de l’État.
Face à lui, Jeannette Jara, représentante de la coalition de gauche au pouvoir et ancienne ministre du Travail de Gabriel Boric, a dû infléchir son discours. Sans renoncer à son socle social, elle a durci sa rhétorique sécuritaire, promettant un renforcement des contrôles frontaliers et des mesures ciblées contre la criminalité organisée. Une inflexion contrainte, qui peine toutefois à enrayer la dynamique favorable à la droite dure.
Les sondages confirment cette tendance : José Antonio Kast est donné largement en tête, porté par les reports de voix des candidats conservateurs éliminés au premier tour et par une majorité parlementaire acquise à la droite. La gauche, fragilisée par un bilan gouvernemental contesté et une mobilisation en berne, peine à imposer un contre-récit face à la centralité de la peur sécuritaire.
Au-delà de l’issue du scrutin, ce second tour révèle une transformation plus profonde de la société chilienne. Entre perception amplifiée de l’insécurité et réalités statistiques plus nuancées, la criminalité est devenue un fait politique total. Dimanche, les Chiliens ne choisiront pas seulement un président : ils arbitreront entre deux visions opposées de l’ordre, de la liberté et du rôle de l’État, dans un pays au seuil d’un tournant historique.



























