Le 18 décembre 2025, l’Assemblée générale des Nations Unies a élu par acclamation l’ancien président de l’Irak, Barham Salih (ou Barham Saleh), au poste de Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR/UNHCR). Cette décision, officialisée d’un coup de marteau par la présidente de l’Assemblée générale, Annalena Baerbock (Allemagne), a été accueillie par des applaudissements dans la salle. Il s’agit d’une nomination historique : Barham Salih devient le premier Haut-Commissaire originaire du Moyen-Orient depuis plus de 50 ans (depuis le prince Sadruddin Aga Khan dans les années 1970) et le premier Kurde à occuper cette fonction de premier plan au sein de l’ONU.
Proposé par le secrétaire général de l’ONU, António Guterres – lui-même ancien Haut-Commissaire pour les réfugiés (2005-2015) –, Barham Salih succède à l’Italien Filippo Grandi, qui dirige l’agence depuis 2016 et dont le mandat s’achève le 31 décembre 2025. Âgé de 65 ans, cet ingénieur civil formé au Royaume-Uni (licence à l’Université de Cardiff et doctorat à l’Université de Liverpool) prendra ses fonctions le 1er janvier 2026 pour un mandat de cinq ans, basé à Genève, siège du HCR.
Originaire de Souleimaniye, dans la région du Kurdistan irakien, Barham Salih porte en lui une expérience intime de la condition de réfugié. Jeune militant kurde au sein de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), il fuit les persécutions du régime de Saddam Hussein dans les années 1970-1980, vivant en exil au Royaume-Uni. Arrêté à deux reprises à l’âge de 19 ans, il connaît la détention et la menace constante.
De retour en Irak après la chute de Saddam en 2003, il occupe des postes clés : vice-Premier ministre, ministre du Plan, Premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan (2009-2012), puis président de la République d’Irak (2018-2022). Modéré et respecté sur la scène internationale, il fonde l’American University of Iraq à Souleimaniye (AUIS), une institution d’excellence. Actuellement fellow non-résident au Belfer Center de Harvard et au Middle East Institute à Washington, il incarne un leadership pragmatique et réformateur.
Dans sa déclaration après l’élection, Barham Salih a affirmé : « En tant qu’ancien réfugié, je sais de première main comment la protection et les opportunités peuvent changer le cours d’une vie. Cette expérience informera un leadership ancré dans l’empathie, le pragmatisme et un engagement ferme envers le droit international. » António Guterres a salué son « expérience de haut niveau en diplomatie, politique et administration », le décrivant comme « réfugié, négociateur de crises et architecte de réformes nationales ».
Filippo Grandi, le sortant, a chaleureusement accueilli son successeur : « Son parcours et son expérience le rendent particulièrement adapté pour diriger le HCR à une époque de déplacements massifs et de défis humanitaires et politiques complexes. »
Cette nomination rompt avec une tradition informelle qui, depuis des décennies, favorisait des candidats issus des grands pays donateurs européens (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, etc.). Le poste, crucial pour mobiliser des fonds, était souvent attribué à des Européens pour sécuriser les contributions financières.
Une dizaine de candidats étaient en lice, dont plusieurs Européens de poids : la maire de Paris Anne Hidalgo (soutenue initialement par la France, mais dont la candidature n’a pas convaincu), l’ancien PDG d’Ikea Jesper Brodin (Suède), l’ex-secrétaire d’État suisse à la migration Christine Schraner Burgener, et d’autres profils comme un diplomate turc ou un cadre ghanéen du HCR. Le choix de Barham Salih traduit une volonté de diversification géographique et de meilleure représentation des régions les plus affectées par les crises de réfugiés.
Barham Salih prend la tête d’une agence confrontée à des enjeux colossaux. Selon les données du HCR, plus de 118 millions de personnes sont actuellement déplacées de force – un record absolu, presque doublé en dix ans. Ces déplacements sont alimentés par les conflits (Soudan, Ukraine, Syrie, Gaza), les persécutions, le changement climatique et la pauvreté extrême.
Dans le même temps, les financements s’effondrent : coupes drastiques des États-Unis (depuis le retour de Donald Trump), réorientation des budgets européens vers la défense, et contraintes chez d’autres donateurs. Le HCR a déjà supprimé près de 5 000 postes cette année (plus d’un quart de ses effectifs), fermé des programmes et réduit l’aide vitale. Le budget 2026 prévoit une baisse de 20 %, menaçant des millions de personnes d’une perte d’assistance essentielle.


























