Dans une ère où le numérique est roi, la Caisse nationale de retraites (CNR) semble enfin entrer dans le XXIe siècle. Hier, l’organisme a convié les bénéficiaires de pensions ou d’allocations nés en mars à renouveler leurs documents justificatifs, une opération annuelle désormais estampillée 2025. Fini, en théorie, les files interminables dans des agences vétustes : grâce à l’application Retraite Dz, la CNR promet une simplification des démarches, à portée de smartphone. Mais derrière cette vitrine moderniste, les retraités algériens vont-ils vraiment y trouver leur compte ?
Exit les déplacements harassants, place à la technologie. Pour les retraités directs, la reconnaissance faciale (R-Face) devient le sésame pour prouver qu’ils sont toujours de ce monde – une innovation sécurisée, dixit la CNR. Pour les retraités dits « dérivés » – veuves, orphelins ou ascendants – l’affaire se corse légèrement : en plus de jouer les modèles face caméra, ils devront scanner et uploader une flopée de justificatifs. Une fois le parcours du combattant numérique achevé, une notification salvatrice viendra, en principe, confirmer le succès de l’opération. Pratique ? Sur le papier, oui. Mais quid de ceux qui n’ont ni smartphone dernier cri ni maîtrise des arcanes du digital ?
La CNR joue la carte de l’organisation : chaque mois, un contingent de retraités est appelé à remplir son devoir administratif, selon son mois de naissance. Mars 2025, c’est au tour des natifs du printemps. Une répartition censée désengorger les agences locales, mais qui soulève une question : cette segmentation rigide est-elle vraiment au service des usagers ou de la bureaucratie ? Car les documents exigés, eux, ne rigolent pas avec la paperasse. Pour les retraités directs, un extrait de naissance ou un certificat de vie suffisent – jusque-là, ça va. Mais pour les autres, c’est une autre paire de manches : veuves priées de prouver leur non-remariage, orphelines majeures sommées de jurer célibat et inactivité professionnelle, ascendants contraints de brandir des actes notariés à jour… La liste est longue, et les clics risquent de s’éterniser.
Si l’intention est louable – moderniser, fluidifier, dématérialiser –, le passage au tout-numérique pourrait bien laisser sur le carreau une frange de la population. Les retraités, souvent peu familiers des applis et des scans, risquent de se retrouver face à un mur technologique. Et que dire de l’accès inégal à Internet ou aux équipements nécessaires ? La CNR mise gros sur Retraite Dz, mais sans accompagnement tangible, cette « révolution » pourrait n’être qu’un gadget pour les uns et un casse-tête pour les autres.
