Le 2 juin 2025, le Conseil de la Nation algérien, par la voix de son président Azouz Nasri, a ravivé la confrontation verbale avec Paris en dénonçant les soi-disant « nouvelles dérives » du Sénat français et l’« accueil d’éléments hostiles à l’État algérien ». Et de contribuer à une « campagne orchestrée contre la souveraineté nationale ». Mais derrière cette sortie tonitruante, censée défendre les intérêts du pays, se dessine une toute autre réalité : celle d’un pouvoir en perte de vitesse, d’un appareil diplomatique en panne d’inspiration, et d’un président effacé. Le véritable pouvoir se niche dans les casernes — entre les mains d’une caste de généraux corrompus, usés, repliés sur des réflexes d’un autre siècle. Figé dans une logique autoritaire post-indépendance, ce régime militaro-politique, incapable d’anticiper les mutations régionales ou d’assurer une gouvernance responsable, instrumentalise les tensions avec la France pour camoufler son érosion rampante de légitimité et son emprise chancelante.
Le réquisitoire d’Azouz Nasri incarne une fuite en avant pathétique, où des imputations vagues et infondées tiennent lieu de stratégie. Aucune preuve concrète n’est produite, aucun individu n’est nommé, aucune source n’est invoquée. Ces allégations, taillées pour le registre populiste, visent à flatter une opinion publique désorientée plutôt qu’à nourrir une diplomatie rigoureuse. Cette tactique, désormais usée jusqu’à la corde, cherche à occulter les tourments internes – une économie exsangue, un carcan politique oppressif, et une répression implacable des libertés – en brandissant l’épouvantail d’un adversaire extérieur.
Le choix de vilipender l’extrême droite française, un acteur périphérique dans les arcanes des relations bilatérales, est éloquent. Ce subterfuge permet de diaboliser un courant controversé sans s’exposer à une confrontation directe avec l’État français, tout en éludant les provocations d’Alger, comme le rappel de son ambassadeur à Paris en 2023 ou la rupture récente des échanges avec le Sénat français. Ces gestes, loin d’être des marques de souveraineté, trahissent une diplomatie immature, engluée dans la surenchère.
Dans ce contexte, les proclamations du Conseil de la Nation sur la « consolidation des pratiques démocratiques » sonnent comme une farce tragique. Alors que les aspirations du Hirak sont écrasées sous une répression féroce, que plus de 200 activistes et journalistes croupissent en prison (Human Rights Watch, 2024), et que les médias indépendants, tels Radio M ou Maghreb Émergent, suffoquent sous les pressions, le discours officiel sur la démocratie s’effondre sous le poids de son hypocrisie.
Le choix de s’en prendre à l’extrême droite française, marginale dans les rouages décisionnels des relations bilatérales, est révélateur. Il permet de diaboliser un courant politique controversé sans prendre le risque d’attaquer directement l’État français. Ce stratagème évite aussi à Alger de reconnaître ses propres provocations diplomatiques, telles que le retrait de son ambassadeur à Paris en 2023 ou la récente suspension des échanges avec le Sénat français.
Dans ce contexte, les déclarations du Conseil de la Nation sur la « consolidation des pratiques démocratiques » apparaissent dérisoires. Alors que les manifestations du Hirak continuent d’être réprimées, que plus de 200 activistes et journalistes sont encore emprisonnés selon Human Rights Watch (2024), et que les médias indépendants subissent des pressions croissantes, le discours officiel sur la démocratie perd toute crédibilité.
En accusant la France de porter la responsabilité d’une éventuelle détérioration des relations, Alger inverse les rôles et évacue toute responsabilité propre. Cette victimisation récurrente, ancrée dans une lecture figée du passé colonial, empêche toute avancée. Elle condamne les relations algéro-françaises à l’impasse et prive l’Algérie d’initiatives diplomatiques audacieuses.
Les conséquences sont déjà visibles. Sur le plan économique, le pays reste prisonnier de sa dépendance aux hydrocarbures, qui représentent 95 % de ses exportations (Banque mondiale, 2024), tandis que l’inflation atteint 9,3 % (FMI, 2024). Face à cette instabilité, les investisseurs étrangers, y compris français, se tournent vers des partenaires plus fiables, aux régimes moins erratiques.
Sur le plan régional, la diplomatie algérienne est marginalisée. Dans le dossier libyen, par exemple, l’initiative tripartite Algérie-Tunisie-Égypte peine à convaincre, l’Algérie étant perçue comme rigide et peu influente comparée à des acteurs plus engagés, comme l’Égypte, soutenue par les Émirats arabes unis.
La posture actuelle, faite de dénonciations et d’agitation verbale, ne peut constituer une politique étrangère durable. L’Algérie gagnerait à sortir de cette logique d’affrontement systématique pour engager un dialogue responsable avec ses partenaires. Cela suppose d’abord une remise en question en profondeur de ses pratiques internes : ouverture politique, fin de la répression, réforme de la gouvernance.
Plutôt que de multiplier les discours accusateurs sans fondement, Alger pourrait chercher à bâtir des coopérations solides sur des enjeux communs : migration, économie, sécurité régionale. Sans cela, le pays risque de s’enfermer dans un déclin diplomatique et économique, loin de l’ambition d’une puissance régionale qu’il prétend incarner.