Deux jours avant le verdict attendu dans l’affaire des financements libyens présumés de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, l’un des témoins clés du dossier, l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, est décédé mardi matin à Beyrouth à l’âge de 75 ans. Son avocate française, Me Élise Arfi, a confirmé l’information révélée par Le Point.
Homme d’affaires sulfureux, Takieddine avait, à plusieurs reprises, affirmé que l’ancien président français avait bénéficié de fonds en provenance du régime libyen de Mouammar Kadhafi. Selon ses déclarations, confirmées devant les juges d’instruction en 2016, il aurait transporté des valises contenant jusqu’à cinq millions d’euros remis à Nicolas Sarkozy – alors ministre de l’Intérieur – et à son directeur de cabinet Claude Guéant.
Ces accusations, farouchement contestées par l’ex-chef de l’État, constituent le cœur de l’enquête dans laquelle le tribunal correctionnel de Paris doit rendre son jugement ce jeudi. Sarkozy, qui a toujours dénoncé des mensonges et qualifié Takieddine de « grand manipulateur », voit ainsi disparaître, à la veille d’un verdict crucial, son accusateur le plus emblématique.
Takieddine n’était pas un inconnu de la justice française. En 2020, il avait été condamné à cinq ans de prison ferme dans le volet financier de l’affaire Karachi, lié à des commissions occultes sur des contrats d’armement conclus avec l’Arabie saoudite et le Pakistan. La condamnation a été confirmée en appel début 2025. Pour échapper à la prison, il s’était réfugié au Liban avant le premier jugement.
L’homme avait également multiplié les revirements médiatiques. En 2020, il avait surpris en déclarant à BFMTV et Paris Match que Nicolas Sarkozy n’avait finalement pas bénéficié des fonds libyens, avant de se rétracter deux mois plus tard, évoquant des « propos déformés ». Cette volte-face, analysée par la justice comme une possible subornation de témoin, a conduit à la mise en examen de plusieurs personnalités, dont Sarkozy lui-même, son épouse Carla Bruni-Sarkozy et la papesse de la presse people, Mimi Marchand.
Né en 1950 dans une grande famille druze du Liban, Takieddine s’était d’abord lancé dans la publicité avant de quitter son pays en pleine guerre civile. Dans les années 1980, il prend la direction de la station de ski Isola 2000 dans les Alpes-Maritimes et développe un réseau d’influences parmi la droite française. Grâce à ses contacts, il s’impose comme intermédiaire dans des contrats de défense, rôle qui le plonge au cœur de l’affaire Karachi.
Mais derrière l’image d’un homme d’affaires fastueux, multipliant les cadeaux à ses relations politiques, s’est progressivement dessiné un parcours déclinant. Divorcé, affaibli par sa rivalité avec Alexandre Djouhri – autre intermédiaire influent proche des réseaux chiraquiens – et rattrapé par une série d’affaires judiciaires, Takieddine a vu son influence s’éroder au fil des années.
Sa mort, survenue à un moment charnière de l’affaire des financements libyens, ajoute une nouvelle zone d’ombre à un dossier déjà marqué par de multiples rebondissements et qui continue de hanter la vie politique française.