Vingt ans après les massacres du Darfour, la justice internationale vient de frapper un coup historique. Ce lundi 6 octobre, la Cour pénale internationale (CPI) a reconnu Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, alias Ali Kosheib, coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis entre 2003 et 2004 dans l’ouest du Soudan.
« La chambre est convaincue que l’accusé est coupable au-delà de tout doute raisonnable », a déclaré la juge Joanna Korner, présidente de la CPI, lors de la lecture du verdict à La Haye. La peine sera prononcée ultérieurement.
Chef de la milice Janjawid, bras armé du régime d’Omar el-Béchir, Ali Kosheib a dirigé des attaques d’une brutalité inouïe contre des civils au Darfour. Selon la juge Korner, l’accusé « ne se contentait pas de donner des ordres : il participait personnellement aux sévices et supervisait les exécutions ».
Les juges ont évoqué des scènes d’horreur : des civils entassés dans des camions, frappés à coups de hache avant d’être exécutés par dizaines. Violences sexuelles, tortures et meurtres systématiques ont rythmé les opérations de cette milice soutenue par Khartoum.
Le procureur a souligné la cruauté du chef de guerre, affirmant qu’il avait agi « avec enthousiasme » dans la répression orchestrée par le régime.
Tout au long du procès, Ali Kosheib, vêtu d’un costume bleu et d’une cravate rouge, a nié son identité et les faits. « Je ne suis pas Ali Kosheib. Je ne connais pas cette personne », a-t-il répété devant la Cour.
Selon sa version, il se serait rendu volontairement à la CPI en 2020 après avoir vécu dans la clandestinité, craignant pour sa vie. Il affirme avoir donné le nom de Kosheib « par désespoir » : « Si je ne l’avais pas fait, la cour ne m’aurait pas reçu et je serais mort. »
La guerre du Darfour, déclenchée en 2003, opposait les rebelles issus de groupes africains au régime d’Omar el-Béchir, accusé de discrimination ethnique. En réponse, Khartoum avait mobilisé les Janjawids, milices composées principalement d’Arabes nomades.
Selon l’ONU, 300 000 personnes ont été tuées et 2,5 millions déplacées au cours de ce conflit, officiellement clos en 2020.
Mais le Soudan n’a pas tourné la page : depuis avril 2023, une guerre dévastatrice oppose l’armée régulière aux Forces de soutien rapide (FSR), héritières directes des Janjawids. Les combats ont déjà fait des dizaines de milliers de morts et plongé le pays dans une crise humanitaire sans précédent.
Alors que l’ancien dictateur Omar el-Béchir reste recherché pour génocide et crimes de guerre, le verdict contre Ali Kosheib marque un tournant.
Le procureur de la CPI a salué « une victoire pour les victimes » et promis de poursuivre les investigations sur le conflit actuel :
« Les cibles dans cette affaire n’étaient pas des rebelles mais des civils. Ils ont souffert, ils ont été marqués à vie. »
La condamnation d’Ali Kosheib symbolise la lente mais implacable marche de la justice internationale, dans un pays où les bourreaux d’hier sont encore les acteurs du chaos d’aujourd’hui.