Jeudi 20 novembre 2025, peu après l’aube, l’armée libanaise a réalisé l’impossible : elle a mis la main sur Nouh Zaïter, 48 ans, l’un des barons de la drogue les plus puissants et les plus intouchables du Moyen-Orient.
Le raid a eu lieu dans la plaine de la Békaa, près de Baalbeck, fief historique du clan Zaïter. En quelques minutes, les forces spéciales et les renseignements militaires ont bouclé la zone, neutralisé la garde rapprochée du narcotrafiquant et l’ont extrait vivant de sa ferme fortifiée. Les images diffusées par l’armée montrent un homme calme, menotté, vêtu d’un simple survêtement noir : la chute d’un empire.
Nouh Zaïter n’était pas un délinquant ordinaire. Il dirigeait depuis plus de quinze ans un cartel industriel de Captagon – cette amphétamine bon marché qui inonde l’Arabie saoudite et les pétromonarchies du Golfe. Des laboratoires clandestins nichés dans la vallée de la Békaa aux routes de contrebande traversant la Syrie, son réseau faisait transiter des centaines de millions de pilules par an. À cela s’ajoutaient le trafic d’armes et le blanchiment, le tout sous la protection (ou la complicité) de parties du régime Assad, notamment la 4ᵉ division de Maher al-Assad.
Sanctionné par les États-Unis et l’Union européenne dès 2023, condamné par contumace à de multiples reprises au Liban, Zaïter défiait l’État avec une arrogance rare : il recevait même les journalistes chez lui, se laissant photographier devant ses 4×4 blindés ou ses élevages de chevaux pur-sang, comme un seigneur de guerre des temps modernes.
Son arrestation n’est pas un hasard. Elle arrive moins d’un an après la chute du régime de Bachar al-Assad, qui a privé les grands trafiquants de leur parapluie syrien. Elle intervient aussi dans un contexte où l’Arabie saoudite, premier marché du Captagon, fait de la lutte contre ce fléau une condition sine quia non à toute normalisation avec Beyrouth.
Pour l’armée libanaise et son commandant Joseph Aoun, c’est une victoire éclatante : la preuve qu’on peut frapper là où même le Hezbollah, pourtant tout-puissant dans la Békaa, a préféré rester en retrait. Un message clair : l’État veut reprendre la main, même sur les territoires les plus sensibles.
Nouh Zaïter dort ce soir en cellule. Dans la Békaa, on murmure déjà que d’autres noms, tout aussi lourds, pourraient suivre. Pour la première fois depuis longtemps, la peur a changé de camp.



























