New York, 12 décembre 2025 – L’ancien « roi des cryptomonnaies », Do Kwon, 34 ans, a été condamné jeudi à 15 ans de prison ferme par le tribunal fédéral de Manhattan. Le juge Edgardo Ramos a qualifié l’affaire Terraform Labs de « fraude d’une ampleur sans précédent, qui marquera plusieurs générations », responsable d’une perte estimée à plus de 40 milliards de dollars, soit un montant supérieur aux escroqueries combinées de FTX et OneCoin.
Cette affaire trouve son origine dans le krach spectaculaire de l’écosystème Terra-Luna survenu en mai 2022, qui a balayé en quelques jours le « stablecoin » algorithmique TerraUSD (UST), censé conserver une valeur stable de 1 dollar, ainsi que sa cryptomonnaie sœur Luna. Derrière l’apparente stabilité de ces actifs se cachait en réalité un château de cartes, maintenu artificiellement par des injections massives et secrètes de capitaux, révélant la fragilité extrême d’un système présenté comme révolutionnaire.
La gravité de l’affaire a été confirmée par la peine prononcée. Le parquet avait initialement requis 12 ans de prison, mais le juge l’a jugée « excessivement clémente », tandis que la défense avait plaidé pour seulement 5 ans, ce qui a été qualifié d’« totalement impensable et déraisonnable ». La peine maximale encourue pour Kwon était de 25 ans, soulignant l’ampleur de ses manquements.
Ayant plaidé coupable en août 2025, Do Kwon bénéficie toutefois d’un crédit de 17 mois pour sa détention antérieure au Monténégro, où il avait été arrêté en mars 2023 avec un faux passeport costaricain, alors qu’il tentait de fuir vers Dubaï. Cette déduction réduit sa peine effective à 13 ans et 7 mois à purger aux États-Unis, sa demande de transfert en Corée du Sud, où résident sa femme et sa fille de 4 ans, ayant été rejetée.
L’ampleur humaine de la fraude a été mise en lumière lors d’une audience marathon de près de neuf heures, où plusieurs victimes ont témoigné de manière bouleversante. Un investisseur croate a ainsi relaté que ses économies familiales, passant de 190 000 à 13 000 dollars, avaient été anéanties : « 17 ans de notre vie envolés en deux semaines de pure terreur. Ma femme a demandé le divorce, mes fils ont abandonné l’université, je suis retourné vivre chez mes parents. »
De son côté, le conseiller financier américain Chauncey St. John a décrit comment des organisations caritatives et un groupe religieux avaient perdu plusieurs millions de dollars, contraignant ses beaux-parents octogénaires à reprendre le travail pour survivre. Une étudiante a témoigné par écrit : « Pour vous, c’était peut-être un chiffre sur une feuille, pour moi, c’étaient des années de sacrifices. Voir tout s’évaporer du jour au lendemain a été l’expérience la plus terrifiante de ma vie. »
Face à ces récits, le juge Engelmayer a souligné « l’emprise quasi mystique » que Kwon exerçait sur ses victimes, souvent de petits porteurs séduits par le discours du jeune prodige de Stanford, qui promettait « la fin des banques » et un stablecoin « plus sûr que l’argent fiat ». Ces témoignages ont révélé non seulement les pertes financières, mais aussi l’impact psychologique et social dévastateur sur des centaines de familles.
Vêtu de la combinaison jaune des prisonniers, Do Kwon a présenté des excuses, reconnaissant : « Ces dernières années, j’ai passé presque tout mon temps à me demander ce que j’aurais pu faire différemment. Entendre les victimes aujourd’hui a été bouleversant. »
Cependant, la procureure Sarah Mortazavi a balayé ces regrets, affirmant : « Cette fraude n’a pas été motivée par la cupidité, mais par l’arrogance, la manipulation et un mépris total pour les gens ordinaires. » Dans le cadre de son accord de plaidoyer, Do Kwon a déjà accepté de restituer plus de 19 millions de dollars personnels.
Avec cette condamnation, il devient officiellement l’auteur de la plus grande fraude financière de l’histoire des cryptomonnaies, dépassant même Sam Bankman-Fried, condamné à 25 ans pour FTX mais responsable de pertes évaluées « seulement » à 10 milliards de dollars. Le message du tribunal est désormais clair et retentissant : l’ère du « move fast and break things » sans conséquences est révolue dans l’univers des cryptomonnaies.

























