La Banque d’Algérie a publié hier, dimanche 7 décembre 2025, un communiqué au ton inhabituellement ferme. Derrière le formalisme habituel se cache un message clair : fini les arrangements familiaux, les « prêts » de passeports et les multiples allocations déguisées. L’institution monétaire rappelle désormais à l’ordre citoyens et banques sur l’utilisation du droit de change touristique, désormais encadré comme jamais.
Depuis la décision présidentielle de juillet 2025 portant le montant à 750 euros (contre 500 € auparavant), certains pensaient pouvoir multiplier les demandes au sein d’une même famille ou renouveler l’opération plusieurs fois dans l’année civile. Erreur. La Banque d’Algérie précise que l’année de référence court désormais du 20 juillet au 19 juillet de l’année suivante. Concrètement, si vous avez utilisé vos 750 € en août 2025, vous ne pourrez pas renouveler avant le 20 juillet 2026. Toute demande effectuée hors de cette période sera systématiquement refusée. Ce calendrier unique vise à mettre fin aux pratiques consistant à « vider » son quota en fin d’année et à en réclamer un nouveau dès le 1er janvier.
L’article 10 de l’Instruction n°05-2025 est brandi comme une véritable épée de Damoclès : le droit de change est strictement personnel et incessible. Concrètement, cela signifie qu’un père ne peut plus utiliser l’allocation de son fils étudiant à l’étranger, qu’une épouse ne peut plus « emprunter » le passeport de son mari pour gonfler le budget vacances, et que les agences de voyage organisant des « packages famille » avec allocation multipliée par le nombre de passeports sont désormais dans le collimateur des autorités.
Les sanctions prévues sont sévères : jusqu’à 5 ans de prison et 500 000 DA d’amende, doublées en cas de récidive ou d’organisation en réseau. Selon nos sources bancaires, les premiers dossiers ont déjà été transmis au parquet, illustrant la volonté des autorités de passer des paroles aux actes.
La Banque d’Algérie frappe un grand coup sur les transferts de fonds à l’étranger. Tout transfert d’argent (virement, Western Union, cartes étrangères rechargées en Algérie, cryptomonnaies, etc.) destiné à financer un voyage touristique reste strictement interdit. Seule l’allocation officielle de 750 €/300 € peut passer par les circuits légaux. Toute autre opération expose à des poursuites pour infraction à la réglementation des changes, avec confiscation possible des sommes.
La procédure reste inchangée mais devient plus stricte. La présentation personnelle dans une banque, au moins 3 jours ouvrables avant le départ, est obligatoire. Le dossier doit être complet, comprenant un passeport biométrique valide (plus de six mois au retour), le billet aller-retour, le visa si requis, et un justificatif de domicile. Le séjour doit durer au minimum 7 jours hors Algérie, excluant désormais les escapades week-end. La remise des devises se fait soit en espèces aux postes frontières, soit sur une carte de paiement internationale, selon la banque.
Officiellement, il s’agit de « préserver les réserves de change » et d’assurer « l’équité » entre citoyens. En réalité, les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2022 et mi-2025, plus de 1,2 million d’allocations touristiques étaient délivrées chaque année, pour un coût dépassant les 900 millions d’euros, dont une partie alimentait le marché parallèle ou finançait des séjours à l’étranger, loin des objectifs initiaux. En verrouillant le système, la Banque d’Algérie espère ramener la facture annuelle sous la barre des 600 millions d’euros tout en décourageant les fraudes les plus flagrantes.
L’allocation reste l’un des derniers vestiges d’un système de subvention déguisée des voyages à l’étranger. À 750 € au cours parallèle (plus de 160 000 DA), elle représente encore un avantage substantiel pour les bénéficiaires… à condition de respecter les règles. Pour les autres, le message est limpide : le temps de l’argent facile est révolu. La Banque d’Algérie entend faire respecter la loi et semble bien décidée à aller jusqu’au bout.


























