Paris – Le 1er juin 2025 – Officiellement, tout va pour le mieux entre Marine Le Pen et Jordan Bardella. « Cela va très bien », a assuré le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, invité ce dimanche du Grand Jury RTL/Le Figaro/Public Sénat/M6. Pourtant, la semaine a révélé de subtiles tensions entre les deux figures de proue de l’extrême droite française, nourries par une petite phrase cinglante, une une de magazine tapageuse, et une perspective de succession qui ne dit pas son nom.
La phrase lâchée jeudi par Marine Le Pen depuis la Nouvelle-Calédonie, à 17.000 kilomètres de Paris, a jeté un froid. Interrogée sur la possible présence de Jordan Bardella à une réunion à l’Élysée prévue mi-juin sur l’avenir institutionnel de l’archipel, la députée du Pas-de-Calais a tranché sèchement : « Je ne suis pas sûre que Jordan, pour le coup, connaisse très bien les problèmes de la Nouvelle-Calédonie (…) on partage nos talents. »
Une déclaration que l’intéressé n’a pas laissée passer. Depuis Beaucaire, dans le Gard, le président du RN a répliqué en assurant connaître « très bien » les dossiers ultramarins, tout en relativisant la portée de la remarque, qu’il a jugée « sortie de son contexte ». Le ton est resté mesuré, mais l’épisode n’a pas manqué de raviver les spéculations sur une éventuelle rivalité croissante.
Marine Le Pen s’est empressée de rectifier le tir le lendemain. Elle a affirmé ne pas avoir voulu « tacler » Bardella, mais simplement constater son propre engagement sur le dossier calédonien. Elle a répété sa « confiance totale » dans le jeune président du parti, comme pour clore la polémique. Mais le mal était fait.
Ajoutant à la tension, la une du magazine Valeurs actuelles a jeté de l’huile sur le feu : Jordan Bardella y trône, souriant, sous le titre « Objectif 2027 », en référence à la présidentielle. Un sondage IFOP publié dans le même numéro révèle que 41 % des Français estiment que Bardella a déjà la stature d’un président. Pour certains proches de Le Pen, la couverture n’a pas été bien reçue, perçue comme une tentative prématurée de sacre.
En toile de fond, un facteur que nul au sein du RN ne peut ignorer : la condamnation en première instance de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Le procès en appel, prévu pour 2026, pourrait définitivement écarter la triple candidate de la course à l’Élysée. Une hypothèse que le parti se refuse à anticiper publiquement, tout en préparant silencieusement une possible relève.
« Il n’y a pas de mystère chez nous », affirme Sébastien Chenu. « On agit en toute transparence. » Une transparence qui semble, pour l’instant, surtout de façade.