Alassane Ouattara a été réélu lundi pour un quatrième mandat présidentiel, avec un score écrasant de 89,77 % des voix, selon les résultats provisoires annoncés par la Commission électorale indépendante (CEI). À 83 ans, le président ivoirien prolonge ainsi son règne à la tête d’un pays qu’il dirige depuis 2011, à l’issue d’un scrutin marqué par l’absence des deux principales figures de l’opposition, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, et par une participation limitée à 50,1 %.
Privée de ses principaux opposants — écartés pour des raisons judiciaires et administratives —, l’élection s’est déroulée dans un climat d’apathie électorale. Laurent Gbagbo, radié pour une condamnation pénale, et Tidjane Thiam, exclu pour des questions de nationalité, n’ont pas appelé à voter, contribuant à la démobilisation d’une grande partie de l’électorat, notamment dans les bastions du sud et de l’ouest.
À Yopougon, ancien fief de Gbagbo, la participation n’a pas dépassé 31 %, tandis que dans le Nord, dominé par l’ethnie malinké fidèle à Ouattara, les scores ont frôlé les 99 % avec une participation de plus de 90 %, notamment à Kong, le fief présidentiel.
Pour de nombreux observateurs, ces résultats témoignent d’une élection jouée d’avance. « Le taux de participation reflète la mobilisation des partisans d’Alassane Ouattara, mais aussi la démobilisation totale du PPA-CI et du PDCI », analyse Geoffroy Kouao, politologue.
Le Front commun, alliance entre les deux grands partis d’opposition, a dénoncé « une communauté internationale restée silencieuse » face à un régime ayant « érigé la répression et la peur en stratégie électorale ». Plus de 44 000 membres des forces de l’ordre avaient été déployés à travers le pays, et plusieurs manifestations avaient été interdites ou réprimées avant le scrutin.
Les quatre autres candidats n’ont guère pesé dans la balance. L’ex-ministre Jean-Louis Billon, dissident du PDCI, termine loin derrière avec 3,09 %, suivi de Simone Gbagbo (2,42 %), de l’ingénieur Ahoua Don Mello (1,97 %) et de la centriste Henriette Lagou (1,15 %).
Le scrutin, globalement calme, a néanmoins été entaché par des heurts localisés dans le sud et l’ouest du pays. Le Conseil national des droits de l’homme a dénombré dix morts depuis la mi-octobre, dont plusieurs le jour du vote.
Si la Côte d’Ivoire demeure l’un des rares pôles de stabilité économique en Afrique de l’Ouest, la lassitude politique et l’exclusion persistante de l’opposition risquent de raviver des tensions anciennes. Beaucoup d’Ivoiriens redoutent un retour des fractures communautaires, réactivées à chaque élection depuis les violences postélectorales de 2010 et 2020.
Le Conseil constitutionnel doit valider les résultats définitifs dans les prochains jours. En attendant, Abidjan a retrouvé son rythme habituel, entre résignation et indifférence, alors qu’un nouveau mandat d’Alassane Ouattara s’ouvre dans un climat de victoire sans adversaire, ni ferveur populaire.



























