Paris, 9 décembre 2025 – Le Premier ministre Sébastien Lecornu a échappé de justesse à un revers politique majeur. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 a finalement été adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, au terme d’un vote sous tension marqué par une majorité extrêmement serrée : 247 voix pour, 234 contre et 93 abstentions.
Dans un hémicycle fracturé, où les oppositions espéraient faire tomber le texte – et avec lui le gouvernement –, le camp présidentiel réussit un sauvetage in extremis. Immédiatement après le vote, Lecornu a salué une décision prise « dans l’intérêt général », tout en appelant à « un sursaut collectif » face à la dégradation des comptes publics. Ce succès arraché n’efface pourtant ni la fragilité parlementaire de l’exécutif, ni l’ampleur des tensions budgétaires.
Plus tôt dans la journée, les députés avaient approuvé la partie « dépenses » du texte par 227 voix contre 86, validant notamment la suspension de l’application de la réforme des retraites – désormais gelée jusqu’en 2028 – ainsi qu’une augmentation de l’Ondam à 3 %, retouchée in extremis afin d’obtenir l’appui de plusieurs députés hésitants. Cette concession, dénoncée par Les Républicains et le Rassemblement National comme un « déséquilibre irresponsable », a néanmoins permis de maintenir une majorité.
Dans les coulisses de Bercy, l’inquiétude n’est plus feinte. Selon une note transmise aux parlementaires, le déficit de la Sécurité sociale pourrait atteindre 30 milliards d’euros en 2026, après 23 milliards estimés pour 2025. Pierre Pribile, directeur de la Sécurité sociale, évoque une situation « extrêmement préoccupante », sous l’effet combiné du vieillissement de la population, des dépenses inflationnistes liées à l’hôpital et aux soins, et du gel des économies espérées grâce à la réforme des retraites.
Le nœud du dossier est moins budgétaire que politique. La suspension du calendrier de relèvement de l’âge légal à 64 ans, supprimée par le Sénat puis réintroduite à l’Assemblée le 5 décembre, constitue une victoire stratégique pour la gauche, notamment le Parti socialiste. Valable jusqu’au 1er janvier 2028, cette suspension représente une défaite symbolique pour l’exécutif : il ne peut ni l’assumer politiquement, ni la retirer sans risquer de rallumer un brasier social.
Le texte repart maintenant au Sénat, dans un contexte où les tensions parlementaires ne faiblissent pas. Deux scénarios se dessinent : soit la Chambre haute adopte une version strictement identique, ce qui rendra le PLFSS définitivement adopté ; soit elle rejette une nouvelle fois la suspension des retraites, entraînant alors une dernière lecture à l’Assemblée nationale, dans un climat encore plus explosif, marqué par une polarisation croissante et un risque élevé de confrontation politique.
Au terme de cet épisode, le Premier ministre gagne du temps, mais non la paix politique. La majorité qui lui a permis de sauver le PLFSS relève moins d’une cohésion solide que d’une coalition d’intérêts momentanément alignés.
Lecornu « sauve sa peau » aujourd’hui ; mais déjà demain se profile le véritable test : celui de la crédibilité budgétaire d’un gouvernement qui n’a plus droit à l’erreur.

























