Sofia, 11 décembre 2025 – Dans un geste inattendu qui ébranle la scène politique bulgare à l’approche d’un jalon historique, le Premier ministre Rossen Jeliazkov a annoncé jeudi la démission immédiate de son cabinet. Cette décision survient au lendemain d’une vaste mobilisation populaire à travers le pays, où des dizaines de milliers de citoyens ont exprimé leur ras-le-bol face à une corruption endémique qui gangrène les institutions.
« Je vous informe que le gouvernement démissionne aujourd’hui », a déclaré sobrement M. Jeliazkov lors d’une conférence de presse retransmise en direct, alors que le Parlement débattait d’une motion de censure déposée par l’opposition. À seulement trois semaines de l’adoption de l’euro – prévue pour le 1er janvier 2026 –, cette crise politique risque de compliquer les préparatifs pour l’entrée de la Bulgarie dans la zone monétaire unique, un événement longtemps attendu mais contesté par une partie de la population inquiète des effets inflationnistes potentiels.
Les troubles ont éclaté il y a trois semaines, cristallisés autour du projet de budget 2026, accusé de favoriser les élites au détriment des citoyens ordinaires. Les manifestants, mobilisés par des appels lancés sur les réseaux sociaux et soutenus par la coalition réformiste et pro-européenne « Nous continuons le changement – Bulgarie démocratique » (PP-DB), dénoncent une hausse des impôts injustifiée pour financer des dépenses publiques opaques. Mercredi soir, Sofia et d’autres villes comme Plovdiv et Varna ont été le théâtre de rassemblements massifs, avec des slogans comme « Fin à la corruption ! » et « L’euro sans voleurs ! » qui ont résonné jusqu’aux portes du Parlement.
Le président Roumen Radev, figure pro-russe et critique virulent du gouvernement, avait déjà exhorté M. Jeliazkov à quitter le pouvoir la semaine dernière. L’opposition, emmenée par les libéraux et les socialistes, a multiplié les pressions, transformant ces manifestations en un mouvement social d’ampleur rare depuis les protestations de 2020 qui avaient fait tomber le précédent cabinet.
Formé en janvier 2025 après sept élections législatives en moins de quatre ans – un record de instabilité –, le gouvernement de M. Jeliazkov reposait sur une coalition précaire entre le parti conservateur GERB (fondé par l’ancien Premier ministre controversé Boïko Borissov), des centristes et le soutien parlementaire de la minorité turque. Malgré une majorité relative, cette alliance de circonstance n’a jamais réussi à apaiser les tensions socio-économiques dans un pays où le PIB par habitant reste le plus bas de l’Union européenne.
La Bulgarie, qui a rejoint l’UE en 2007, a franchi en juin dernier les derniers critères pour adopter l’euro, validés par la Commission européenne. Pourtant, un sondage de juin 2025 révélait que près de 47 % des Bulgares s’opposaient à cette transition, craignant une flambée des prix. La démission du gouvernement intervient pile au moment où des négociations budgétaires cruciales devaient sceller les réformes nécessaires à cette intégration.
La démission doit être formellement entérinée lors de la prochaine session plénière du Parlement, où la coalition sortante conserve pour l’instant la majorité. Selon la Constitution, le président Radev aura ensuite 7 jours pour mandater un parti en vue de former un nouveau cabinet. En cas d’échec, des élections anticipées pourraient être convoquées, prolongeant l’incertitude politique dans un contexte économique tendu, marqué par une inflation persistante et des inégalités criantes.


























