En cette fin décembre 2025, Emmanuel Macron a effectué une visite officielle aux Émirats arabes unis, arrivant à Abu Dhabi le dimanche 21 décembre. Comme le veut une tradition bien établie sous la Ve République, le chef de l’État a tenu à passer Noël auprès des soldats français déployés à l’étranger. Mais cette dimension symbolique s’est doublée d’un agenda diplomatique dense, marqué par un entretien bilatéral avec le président émirati, le cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane (MBZ).
Présentée par les autorités françaises comme la confirmation d’un « partenariat stratégique profond », cette visite s’inscrit dans une relation que l’ambassadeur des Émirats à Paris qualifie volontiers d’alliance entre « proches partenaires ». Une proximité assumée, revendiquée, mais de plus en plus controversée.
Le séjour présidentiel a été minutieusement programmé. Après une visite du musée national Zayed, vitrine du récit national émirati, Emmanuel Macron s’est entretenu avec MBZ autour des grands axes de coopération bilatérale, en particulier dans les domaines de la sécurité et de la défense. L’après-midi a été consacré aux forces françaises stationnées sur place, avec un discours aux militaires suivi d’un dîner de Noël préparé par les chefs de l’Élysée.
Le lendemain, une démonstration militaire conjointe dans une zone désertique a conclu la visite, mettant en scène l’interopérabilité entre les forces françaises et émiriennes. Le message est clair : la France entend demeurer un acteur militaire crédible et autonome dans le Golfe.
La France dispose aux Émirats arabes unis de sa seule base militaire permanente au Moyen-Orient. Plus de 900 soldats sont répartis sur trois sites : une base navale à Abu Dhabi, une base aérienne à Al Dhafra équipée de Rafale, et une composante terrestre. Cette présence, formalisée par l’accord de défense signé en 2009, est régulièrement présentée comme le socle de la confiance mutuelle entre les deux pays.
Les forces françaises participent à plusieurs opérations majeures : Chammal contre Daech, Aspides pour la sécurisation maritime en mer Rouge face aux attaques des Houthis, ainsi qu’à la lutte contre le narcotrafic dans l’océan Indien, où plus de 20 tonnes de drogue ont été saisies en 2025.
Au-delà du volet militaire, le partenariat franco-émirien s’étend à de nombreux secteurs stratégiques. Les Émirats arabes unis constituent le premier partenaire commercial de la France au Moyen-Orient. En 2025, les coopérations se sont renforcées dans l’intelligence artificielle — avec d’importants investissements émiratis en France, notamment dans les infrastructures de données —, l’énergie nucléaire civile autour de la centrale de Barakah, l’espace, ainsi que la culture, à travers le Louvre Abu Dhabi et la Sorbonne Abu Dhabi.
Sur le plan militaire, l’exercice conjoint Gulf 25, mené en novembre 2025 avec plus de 2 000 soldats des deux pays, a illustré le degré élevé de coopération opérationnelle entre Paris et Abu Dhabi.
Derrière ce tableau flatteur subsiste toutefois un dossier explosif : celui du narcotrafic. Paris réclame depuis plusieurs années une coopération judiciaire plus ferme, notamment l’extradition de narcotrafiquants français installés à Dubaï et la saisie de leurs avoirs. Des avancées ont été annoncées en 2025, avec un renforcement des échanges d’informations financières.
Mais la réalité demeure troublante. Tandis qu’Emmanuel Macron dîne avec les troupes et vante la lutte contre le narcotrafic dans l’océan Indien — où les marins français saisissent effectivement des tonnes de stupéfiants —, il sait pertinemment que les têtes de réseau de ce même trafic vivent en toute impunité à Dubaï, dans des villas de luxe et des appartements payés en liquide ou en cryptomonnaies.
Dubaï est ainsi devenue l’un des principaux refuges de figures du crime organisé français, impliquées dans des réseaux responsables d’une violence endémique sur le territoire national. Tout concourt à faire de l’émirat un sanctuaire pour l’argent sale. Une contradiction criante, alors même que la France proclame une lutte implacable contre le narcotrafic.
Autre angle mort de cette alliance : les droits humains. Le régime émirati est régulièrement accusé de répression systématique de toute dissidence, d’arrestations arbitraires et de détentions prolongées. Des figures emblématiques, telles qu’Ahmed Mansoor, prix Sakharov du Parlement européen, demeurent emprisonnées dans un quasi-silence diplomatique.
Par ailleurs, l’interventionnisme régional des Émirats suscite de lourdes critiques. Leur rôle présumé dans le conflit soudanais, aux côtés de forces paramilitaires accusées d’exactions massives, leur implication passée au Yémen ou en Libye, dessinent les contours d’une politique de puissance souvent déstabilisatrice. Là encore, Paris privilégie une approche pragmatique, au risque d’apparaître complaisant.
La visite de Noël 2025 d’Emmanuel Macron aux Émirats arabes unis illustre ainsi les contradictions profondes de la diplomatie française contemporaine. En privilégiant un partenariat stratégique étroit, la France ferme les yeux sur les violations massives des droits humains, l’interventionnisme destructeur des Émirats dans les conflits régionaux, et surtout sur le rôle de Dubaï comme paradis doré pour des narcotrafiquants français qui ensanglantent ses propres villes.


























