Malgré les obstacles qui ont retardé sa mise en œuvre, l’Égypte semble déterminée à faire avancer le projet de construction de la première centrale nucléaire, El-Dabaa, dans le cadre de l’accord conclu avec la Russie en 2015.
Déjà au début des années 80, l’Égypte avait mis en œuvre des mesures pour construire une centrale électrique à El-Dabaa, dans le gouvernorat de Marsa Matruh, à 3,5 km de la mer Méditerranée. L’idée a été abandonnée en 1986, suite au désastre de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, mais, depuis 2008, Moscou a commencé à rivaliser avec d’autres pays pour mener à bien un projet «stratégique» similaire, jusqu’à parvenir à un accord signé par Rosatom en février 2015, visant la construction de 4 réacteurs dont chacun devrait produire 1 200 mégawatts.
La société d’État russe s’est également chargée de l’approvisionnement en combustible nucléaire pendant toute la durée de vie utile de la centrale, et sera impliquée dans les opérations d’exploitation et de maintenance, ainsi que dans la formation du personnel égyptien pour les dix premières années d’exploitation. La société aidera l’Égypte à se débarrasser du combustible nucléaire usé et environ 85% du coût de la centrale sera financé par un prêt russe de 25 milliards de dollars. On estime que l’usine sera opérationnelle en 2026, tandis que le prêt accordé par Moscou expirera en 2029. Plus précisément, le Caire commencera à rembourser le prêt en octobre 2029, sur une base semestrielle, pour une période de 22 ans à un taux d’intérêt de 3%. Le gouvernement égyptien, comme convenu, devrait débourser les 15% restants du coût de l’usine, mais il n’est pas clair si cela proviendra du secteur public ou privé. Des responsables égyptiens ont récemment déclaré que malgré plusieurs obstacles, notamment la pandémie de coronavirus, la construction de la centrale nucléaire se déroulerait comme prévu.
El-Dabaa a acquis une importance stratégique pour le gouvernement égyptien, qui a conçu et réalisé les premiers pas du projet selon une approche de haut niveau, excluant largement l’opinion publique. Cependant, les craintes ont souvent été apaisées par les engagements du Caire au titre des traités internationaux. En outre, l’ensemble du projet sera supervisé par l’Autorité égyptienne de contrôle des rayonnements et nucléaires et l’Agence fédérale russe de contrôle environnemental, technologique et nucléaire. « La signature des accords est un message d’espoir, de travail et de paix pour nous en Égypte et dans le monde entier, et avoir un réacteur nucléaire pacifique est un rêve tant attendu », ont déclaré le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, en 2015.
Les analystes de l’Institut sud-africain des affaires internationales affirment que l’objectif affiché est de parvenir à l’autosuffisance énergétique, compte tenu de la demande croissante d’une population, également en croissance, d’environ 100 millions de personnes. Cependant, le projet n’est pas sans préoccupations et discussions, principalement de la part de groupes environnementaux et d’organisations de défense des droits de l’homme. Celles-ci concernent la consommation d’eau des usines, ressource rare en Égypte en raison du manque de précipitations, la problématique liée au grand barrage africain (DIRD) qui pourrait affecter le bon fonctionnement de l’usine, à laquelle s’ajoutent la possibilité d’accidents et coûts élevés.
Les analystes soulignent que les ambitions nucléaires de l’Égypte apportent une solution à un problème qui n’existe pas, compte tenu des grandes découvertes gazières réalisées en Méditerranée, qui ont sur un surplus d’énergie. En outre, le pays prend également des mesures d’investissement dans les énergies renouvelables, comme en témoigne la centrale solaire d’Assouan, ici la capacité de produire la même quantité d’énergie qu’El Dabaa et dont les coûts de construction, égaux à environ 10 milliards de dollars, soit l’équivalent du tiers de ceux de la centrale nucléaire, sans oublier donc l’absence de risques environnementaux potentiels dévastateurs. Enfin, certains termes et clauses des accords ne sont toujours pas clairs.
ce sont des discussions qui se poursuivent depuis les années 1980, mais qui ont parfois aussi trouvé de l’espace dans les enceintes internationales, étant donné les craintes de « fins militaires » la construction d’une centrale électrique ayant, comme rappelle le Caire, pacifique, et les relations entre la Russie et l’Égypte, deux pays qui, depuis 2017, ont renforcé leur coopération bilatérale dans de nombreux domaines, notamment économiques et commerciaux.
Certains pensent qu’il existe une ambiguïté autour des institutions et agences gérant le projet, comme l’Autorité égyptienne de surveillance nucléaire, qui a été créée en 2010 pour surveiller toutes les installations, activités et pratiques nucléaires. Bien qu’il s’agisse techniquement d’un organe indépendant et rende compte directement au Premier ministre, il existe peu d’informations publiques sur sa structure institutionnelle, son conseil d’administration, ses capacités scientifiques réelles et son expérience. En effet, en Égypte, les fonds destinés aux institutions et activités nucléaires ne sont généralement pas divulgués, à l’exception de l’Autorité des centrales nucléaires, dont le budget est soumis au contrôle parlementaire.