Il y a dix ans, le 17 décembre 2010, un jeune colporteur tunisien, Mohamed Bouazizi, s’est immolé par le feu. Le geste, jugé extrême, a déclenché le soi-disant «printemps arabe» qui a impliqué plusieurs pays, unis par le désir d’une plus grande démocratie et de meilleures conditions de vie.
Comme l’a déclaré le cousin de Mohamed, Ali Bouazizi, le 17 décembre 2010 aurait été un jour comme les autres si les médias locaux et le peuple tunisien n’avaient pas décidé de descendre dans la rue. « Le fait qu’ils aient décidé qu’ils n’avaient plus peur du gouvernement a tout changé. » Le geste de Mohamed, vendeur ambulant de fruits et légumes de Sidi Bouzid qui avait été empêché de poursuivre son activité, provenait de conditions communes à de nombreux jeunes Tunisiens de son âge, mécontents d’une situation économique, politique et sociale de plus en plus précaire, marqué par le chômage, la corruption et les inégalités économiques. Suite à la mort de Bouazizi, survenue après quelques jours en raison de ses blessures, des mouvements de protestation ont également éclaté dans d’autres pays de la région, dont l’Égypte, la Syrie et la Libye.
Malgré le large écho reçu par une telle mobilisation, la situation à Sidi Bouzid ne semble pas avoir changé. Les bars, continuent de se remplir de jeunes chômeurs, tandis que le reste de la population continue de se plaindre de conditions sociales et économiques inchangées. Selon un rapport de l’Institut national de la statistique, le taux de pauvreté à Sidi Bouzid s’élève à 23,1%, alors que la liste des Tunisiens du gouvernorat en attente d’un emploi a augmenté de 90%, au cours du premier semestre 2020. C’est pourquoi l’incendie qui a alimenté les émeutes il y a dix ans ne s’est pas encore complètement éteint. À cet égard, selon le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, organisation indépendante, Sidi Bouzid s’avère être le troisième gouverné à avoir enregistré le plus grand nombre de protestations au niveau national.
Bien qu’il y ait encore des difficultés économiques, la Tunisie est considérée comme l’un des rares pays à avoir eu une histoire avec une fin heureuse, surtout par rapport aux autres pays, la Libye et la Syrie en premier lieu. Selon un analyste politique, Qassem al-Gharbi, La Tunisie a en fait connu deux révolutions. Le premier a commencé le 17 décembre 2010 et avait des dimensions sociales, économiques et de développement, tandis que le second a commencé le 14 janvier 2011, lorsque des mouvements de protestation ont quitté les zones rurales et les régions internes vers les villes, donnant En tout cas, selon l’analyste, si des progrès ont été réalisés au niveau politique, répondre aux attentes du peuple tunisien, également au niveau social et de la croissance, s’avère être l’un des plus grands défis à relever.
La pandémie de coronavirus et la menace terroriste ont encore aggravé la situation l’année dernière. Deux phénomènes qui ont affecté un secteur essentiel pour le pays, le tourisme. Dernier point mais non le moindre, selon al-Gharbi, il n’est pas possible de parler de stabilité même au niveau politique. Les différentes parties travaillent encore pour résoudre les tensions internes, définir leur propre identité, ainsi que leur position politique et intellectuelle. Ceci est démontré par le fait que certains partis oscillent entre des orientations différentes, d’autres disparaissent soudainement, tandis que d’autres encore naissent à tout moment. Tout cela, a-t-on souligné, montre que la phase de transition démocratique en Tunisie n’est pas encore achevée et que des changements à l’avenir ne peuvent être exclus.
Face à ce scénario, il y a encore plusieurs interrogations sur les résultats réels du printemps arabe en Tunisie, et encore différentes sur les changements que la population souhaite.