Dans la nuit du 28 février 2025, un acte d’une gravité exceptionnelle a secoué la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Selon un communiqué des Nations Unies publié le lundi 3 mars, les rebelles du M23, un groupe armé tutsi opérant dans la région, ont orchestré des raids coordonnés sur deux hôpitaux de la ville, enlevant au moins 130 patients malades ou blessés. Cet événement, rapporté par Reuters, marque une nouvelle étape dans l’offensive fulgurante du M23, qui sème la terreur et ravive un conflit aux racines profondes, lié au génocide rwandais de 1994 et à la lutte pour les ressources minérales de la RDC.
Les assaillants du M23 ont pris d’assaut l’hôpital CBCA Ndosho, où 116 patients ont été arrachés de leurs lits, et l’hôpital Heal Africa, où 15 autres ont subi le même sort. Selon Ravina Shamdasani, porte-parole du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies, ces hommes étaient soupçonnés par les rebelles d’être des soldats des Forces armées de la RDC (FARDC) ou des membres de la milice pro-gouvernementale Wazalendo. Cette intrusion dans des établissements médicaux, lieux censés être sanctuarisés même en temps de guerre, a suscité une indignation internationale. « Il est profondément affligeant que le M23 enlève des patients de leurs lits d’hôpitaux lors de raids coordonnés et les détienne au secret dans des lieux tenus secrets », a déclaré Shamdasani, exhortant les rebelles à libérer immédiatement leurs captifs.
Les porte-parole du M23, Willy Ngoma et Lawrence Kanyuka Kingston, sollicités par Reuters, n’ont pas encore réagi à ces accusations. Leur silence laisse planer le doute sur les motivations exactes de cette opération, qui pourrait viser à neutraliser des adversaires présumés ou à envoyer un message de domination dans une ville récemment conquise.
Le M23, qui avait déjà pris le contrôle de Goma fin janvier 2025, poursuit une avancée spectaculaire dans l’est de la RDC, s’emparant de vastes territoires et de ressources minières précieuses, telles que l’or, le coltan et le cobalt. Cette progression, amorcée en décembre 2024, constitue l’escalade la plus grave d’un conflit qui trouve ses origines dans les séquelles du génocide rwandais de 1994. À l’époque, des milices hutues responsables du massacre de près d’un million de Tutsis et de Hutus modérés au Rwanda s’étaient réfugiées dans l’est du Congo, déclenchant des décennies d’instabilité régionale. Le M23, composé majoritairement de Tutsis congolais, affirme défendre cette communauté face aux menaces persistantes des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice hutue active dans la région.
Ce contexte historique est encore compliqué par des rivalités économiques. L’est de la RDC, riche en minerais stratégiques, est devenu un champ de bataille où s’entremêlent intérêts locaux, régionaux et internationaux. La prise de Goma et de Bukavu, les deux principales villes de la région, par le M23, renforce leur mainmise sur ces ressources, au détriment du gouvernement congolais.
L’offensive du M23 ravive également les tensions entre la RDC et le Rwanda. Kinshasa, soutenu par des experts de l’ONU et des puissances occidentales, accuse Kigali de financer et d’armer les rebelles, une allégation que le Rwanda rejette catégoriquement. Le gouvernement rwandais affirme que ses actions relèvent de la légitime défense contre les FDLR, qu’il considère comme une menace existentielle pour sa sécurité nationale. Fait notable, le 1er mars 2025, des combattants du M23 ont escorté des membres capturés des FDLR jusqu’à la frontière rwandaise pour leur rapatriement, un geste qui pourrait être interprété comme une tentative de coopération avec Kigali ou une mise en scène pour légitimer leurs opérations.
Les conséquences de cette escalade sont désastreuses pour les civils. Depuis janvier 2025, environ 7 000 personnes ont perdu la vie dans les combats, tandis que près d’un demi-million d’autres ont été déplacées, fuyant la destruction de 90 camps de déplacés. L’enlèvement de patients dans des hôpitaux illustre la vulnérabilité extrême des populations, même dans des espaces supposés protégés. Les efforts internationaux pour enrayer la crise – sanctions, enquêtes de la Cour pénale internationale et pourparlers menés sous l’égide de l’Union africaine – se sont révélés inefficaces face à la détermination des rebelles.