Paris, 6 octobre 2025 — La démission surprise de Sébastien Lecornu, à peine un mois après sa nomination à Matignon, a fait l’effet d’un séisme politique dans un pays déjà fragilisé par une succession de crises institutionnelles. En un an, Emmanuel Macron a vu défiler trois Premiers ministres — Michel Barnier, François Bayrou, puis Sébastien Lecornu — sans parvenir à rétablir la stabilité. Cette nouvelle démission rouvre la boîte de Pandore : faut-il dissoudre, destituer ou démissionner ? Les appels se multiplient, et la classe politique française se déchire autour des scénarios de sortie de crise.
À peine l’annonce de la démission connue, Jean-Luc Mélenchon a dégainé sa réponse , l’examen « immédiat » de la motion de destitution d’Emmanuel Macron. Déposée début septembre par 104 députés de gauche, cette motion reproche au président son « incapacité à assurer la stabilité des institutions » et son « mépris de la souveraineté populaire ».
La gauche radicale entend profiter de la vacance du pouvoir exécutif pour accentuer la pression. « La Ve République vit ses derniers soubresauts », a déclaré le leader insoumis, accusant Macron de « confisquer la démocratie » par ses choix solitaires.
Le Parti socialiste et les Écologistes se montrent plus pragmatiques. Plutôt que de risquer une dissolution, ils appellent à une cohabitation — un Premier ministre de gauche, choisi au sein du Nouveau Front populaire, pour sortir de l’impasse.
Arthur Delaporte, porte-parole du PS, plaide pour « une alternance claire » : « Si on veut trouver la stabilité, il faut une cohabitation. » Mais il refuse de s’aligner derrière Mélenchon, jugeant qu’une participation de LFI à un gouvernement entraînerait « une censure immédiate ».
Du côté des Écologistes, Marine Tondelier adopte un ton désabusé : « Nous assistons aux derniers messages d’un monde politique en train de s’effondrer. » Si elle se dit prête à « gouverner », elle souligne toutefois que les blessures entre partenaires de gauche sont loin d’être refermées.
Pour Éric Ciotti et son Union des droites pour la République (UDR), alliée au Rassemblement national, la solution est simple : redonner la parole au peuple. « Quand il y a crise, la seule issue, c’est l’élection », martèle-t-il, appelant à une présidentielle anticipée plutôt qu’à de simples législatives.
Selon lui, « la légitimité doit revenir au peuple de France », face à un exécutif discrédité et un pays « en colère », miné par l’inflation, l’insécurité et l’effondrement des services publics. L’UDR et le RN promettent d’ailleurs de censurer systématiquement tout gouvernement tant qu’Emmanuel Macron n’aura pas dissous l’Assemblée ou quitté l’Élysée.
Marine Le Pen et Jordan Bardella s’affichent en arbitres du chaos. Pour eux, « la stabilité ne peut être retrouvée sans retour aux urnes ». Bardella insiste : « Si nous attendons encore, Emmanuel Macron n’aura pas d’autre choix que de démissionner. »
Marine Le Pen, plus mesurée, estime qu’une démission du chef de l’État serait « un acte de sagesse ». Elle rejette catégoriquement toute idée d’un nouveau gouvernement : « Ministres de droite, ministres de gauche… on arrête. Ce sont les Français qui doivent décider. »
Dans ce climat explosif, l’État tourne au ralenti. Les nominations de Jean Castex à la SNCF et de Marie-Ange Debon à La Poste sont suspendues, les travaux du Sénat gelés, et les ministres démissionnaires chargés, malgré tout, de gérer les « affaires courantes ».
Sébastien Lecornu, bien qu’officiellement parti, a été prié par Emmanuel Macron de « mener d’ici mercredi soir d’ultimes négociations pour définir une plateforme de stabilité ». Une mission qui ressemble à un dernier baroud d’honneur avant un possible effondrement institutionnel.
Un an après la dissolution de 2024, la France s’enfonce dans une crise sans précédent sous la Ve République. Emmanuel Macron se retrouve seul face à une Assemblée hostile, une rue méfiante et une opposition qui ne croit plus à ses capacités de gouverner.
Entre démission, dissolution ou cohabitation, chaque option semble périlleuse. Et pendant que la classe politique s’entre-déchire, le pays retient son souffle.