Deux ministres démissionnent et plusieurs proches du président ukrainien sont cités dans une enquête anticorruption d’envergure, alors que le pays fait face à la guerre et à des attaques ciblant ses infrastructures énergétiques. Pour Zelensky, la bataille pour la légitimité pourrait devenir aussi cruciale que celle sur le front.
Un nouveau séisme politique secoue l’Ukraine. À la suite d’une enquête retentissante du Bureau national anticorruption (NABU) et du Parquet spécialisé anticorruption (SAPO), les ministres de l’Énergie, Svitlana Grynchuk, et de la Justice, Herman Halushchenko, ont présenté leur démission mercredi. Plusieurs collaborateurs proches de Volodymyr Zelensky sont accusés d’avoir participé à un système de détournement de fonds d’environ 100 millions de dollars dans le secteur énergétique.
L’enquête, menée sur quinze mois, a mis au jour un réseau structuré de pots-de-vin représentant 10 à 15 % de la valeur des contrats publics, notamment auprès d’Energoatom, l’opérateur nucléaire national. Ces marchés portaient sur la construction de fortifications destinées à protéger les infrastructures contre les frappes russes. Refus de payer entraînait menaces de révocation de licences ou de conscription forcée des employés.
Les enquêteurs ont mené des perquisitions dans plus de 70 lieux, saisissant à la fois des liquidités, photographiées en liasses estampillées par la Réserve fédérale américaine, et de nombreuses preuves de transferts internationaux, certains passant par un bureau associé à l’ex-député ukrainien et actuel sénateur russe Andriy Derkach. Ces opérations ont permis d’identifier les principaux acteurs du réseau : Timur Mindich, cofondateur du studio Kvartal 95 et proche de Zelensky, accusé de piloter le système via sa société Fire Point, avait quitté le pays avant les raids ; Oleksiy Chernyshov, ancien vice-Premier ministre, est impliqué dans des affaires connexes, soulignant l’étendue du réseau à des échelons élevés de l’État ; enfin, Petro Kotin, PDG d’Energoatom, figure également
Le scandale intervient alors que la Russie multiplie les bombardements sur le réseau électrique, provoquant des coupures massives à l’approche de l’hiver. Il ravive les accusations d’instrumentalisation judiciaire : arrestation en octobre de l’ex-directeur d’Ukrenergo Volodymyr Kudrytskyi, perçue comme une vengeance politique ; tentative avortée en juillet de subordonner NABU et SAPO au procureur général nommé par le président.
À Bruxelles, l’affaire relance les doutes sur l’engagement anticorruption exigé pour la candidature à l’UE. « Zelensky doit choisir : protéger son entourage ou prouver l’indépendance de la justice », résume Daria Kaleniuk, directrice du Centre d’action anticorruption.
Ce test décisif menace la crédibilité du président, dont l’image de réformateur s’effrite face à la fatigue de guerre et à la concurrence politique (Poroshenko, Zaloujny). L’opposition a déposé une motion de censure ; des manifestations sont attendues. Pour l’Ukraine, la bataille pour la confiance nationale et internationale est aussi cruciale que celle des armes.



























