Alors que l’Est de la République démocratique du Congo continue de saigner sous les balles du M23, l’émir Tamim ben Hamad Al Thani atterrit à Kinshasa le 21 novembre 2025, après une escale à Kigali la veille, où il a rencontré le président Paul Kagame. Ce « geste symbolique », accompagné de ses milliards de pétrodollars, est présenté comme un effort de rapprochement entre les deux capitales. Officiellement, il s’agit de « stimuler les investissements » dans le pays, avec la signature de plusieurs protocoles de coopération économique et politique : modernisation des hôpitaux et des routes, intégration régionale via des chaînes d’approvisionnement en minerais stratégiques tels que le coltan et le cobalt. Six accords bilatéraux ont été signés : un protocole portuaire entre Mwani Qatar et l’ONATRA SA, un accord de coopération juridique, une exemption de visas pour les passeports diplomatiques et spéciaux, un mémorandum humanitaire pour le Sud-Kivu, un protocole en jeunesse et sport, et un cadre de consultations politiques régulières entre les ministères des Affaires étrangères.
À Kigali, l’émir avait été accueilli le 20 novembre à l’aéroport international par Kagame en personne, avant de visiter la ferme privée du président rwandais à Bugesera. Il y reçut en cadeau des vaches Inyambo – bétail à longues cornes emblématique de la tradition rwandaise, symbole d’amitié et de respect mutuel. Les discussions ont porté sur le renforcement des partenariats en aviation (notamment via le projet de l’aéroport international de Bugesera, financé à hauteur de 2 milliards de dollars par le Qatar, où Doha détient 60 % de RwandAir), en sécurité, technologie et investissements durables. Kagame a salué publiquement sur X la « forte amitié personnelle » avec Tamim et les « discussions productives » guidant la coopération bilatérale.
Mais derrière ce vernis diplomatique se profile une réalité bien plus sombre : l’émir du Qatar semble avant tout chercher à blanchir son image et consolider son rôle de parrain régional du chaos. Ce n’est pas une théorie complotiste : rapports d’experts de l’ONU, enquêtes de journalistes indépendants et aveux à demi-mot de rebelles eux-mêmes le confirment. Si Doha insiste sur son rôle « historique » et « constructif », qualifié de « catalyseur de paix » par le ministre qatari Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, des allégations persistantes évoquent des liens indirects via des investissements au Rwanda – 49 % de Qatar Airways dans Fly Rwanda Air, financement de l’aéroport de Kigali – qui pourraient nourrir le conflit. Des rapports de l’ONU de 2024, non démentis en 2025, mentionnent des transferts d’armes et de fonds via des réseaux régionaux, pointant le rôle possible du Qatar dans l’influence économique sur Kigali. Sur X, des militants congolais accusent Doha de « financer les génocidaires » et des enquêtes indépendantes relient ce financement au pillage de minerais (or, coltan) acheminés vers l’Afrique de l’Est et au-delà.
Depuis 2012, Doha arme, forme, finance et protège les tueurs qui massacrent, violent et pillent le Nord-Kivu. Aujourd’hui, le même Qatar se pose en « médiateur » entre Kinshasa et ses propres proxies, un paradoxe qui rappelle l’absurdité de nommer Pablo Escobar négociateur contre le narcotrafic. L’accord-cadre, soutenu par les États-Unis (via l’envoyé spécial Massad Boulos) et l’Union africaine, fixe un cadre pour des négociations sur huit protocoles : cessez-le-feu vérifié, accès humanitaire, retour de sept millions de déplacés, réforme de la gouvernance et retrait des forces étrangères présumées (rwandaises selon Kinshasa). Sur le terrain, pourtant, les violations persistent : bombardements mutuels dès le 16 novembre, le M23 avançant dans le Walikale malgré les engagements. L’ONU alerte sur une « menace croissante » de l’État islamique affilié dans la région, compliquant le tableau.
… Pendant ce temps, les femmes de Goma continuent d’être violées comme arme de guerre, les enfants soldats du M23 – formés dans des camps rwandais avec un soutien logistique régional présumé – continuent de semer la terreur, et le coltan coule vers les palaces de Doha. Mais accepter de dîner avec le diable a toujours un prix, celui du sang de son peuple.
Le Qatar n’est pas un partenaire de l’Afrique. C’est un prédateur qui, sous couvert de religion et de philanthropie, achète les consciences, finance les jihadistes au Sahel, soutient les génocidaires à l’Est du Congo et s’offre une virginité médiatique à coups de propagande et d’événements prestigieux.


























