La Slovaquie connaît une nouvelle vague de mobilisation populaire d’ampleur. Mardi, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs villes du pays pour dénoncer les réformes pénales portées par le gouvernement du Premier ministre Robert Fico, accusé par ses détracteurs de fragiliser l’État de droit et de favoriser indirectement les réseaux criminels.
Des rassemblements ont eu lieu dans une dizaine de communes, dont la capitale Bratislava, où la place de la Liberté s’est transformée en tribune de contestation. Dans une atmosphère tendue mais déterminée, les manifestants ont scandé des slogans exigeant la démission du chef du gouvernement, tout en brandissant des pancartes dénonçant une « dérive mafieuse » du pouvoir.
Au cœur de la colère : l’adoption récente d’un projet de loi supprimant le Bureau indépendant de protection des lanceurs d’alerte, une institution clé dans la lutte contre la corruption. Cette décision, approuvée par la majorité parlementaire fidèle à Robert Fico malgré de vives critiques nationales et internationales, est perçue comme un recul majeur en matière de transparence et de responsabilité publique.
Parallèlement, le gouvernement a fait adopter des modifications sensibles du code pénal, limitant l’utilisation de preuves recueillies auprès de suspects ayant coopéré avec la justice en échange d’une réduction de peine. Ces éléments deviennent également irrecevables si les suspects se sont montrés mensongers dans une autre affaire, une mesure que l’opposition juge dangereuse pour les enquêtes anticorruption et les poursuites contre le crime organisé.
Pour Michal Šimečka, chef du parti d’opposition Slovaquie progressiste et l’un des organisateurs du mouvement, la situation est sans précédent : « La Slovaquie est aujourd’hui le seul pays où le gouvernement adopte des lois qui facilitent la vie des criminels et de la mafia », a-t-il lancé à la foule, sous des cris de « Honte ! ».
Les critiques ne visent pas seulement le Premier ministre, mais également le président Peter Pellegrini, allié politique de longue date de Fico. L’opposition l’accuse de fermer les yeux sur des réformes susceptibles de bénéficier à des figures proches du pouvoir, notamment le vice-président du Parlement Tibor Gašpar, attendu prochainement devant la justice pour des faits liés à une présumée organisation criminelle.
Les manifestants ont appelé le chef de l’État à refuser de promulguer ces lois. Bien que la signature présidentielle soit requise pour leur entrée en vigueur, la coalition gouvernementale dispose néanmoins d’une majorité suffisante pour contourner un éventuel veto.
Pour de nombreux observateurs, cette crise confirme une inquiétude grandissante : sous la direction de Robert Fico, la Slovaquie s’éloignerait progressivement des standards démocratiques européens, au risque d’emprunter une trajectoire similaire à celle de la Hongrie de Viktor Orbán. Une comparaison de plus en plus assumée dans la rue, où la mobilisation dépasse désormais les clivages politiques traditionnels et rassemble une opposition large, déterminée à défendre l’indépendance de la justice et les libertés fondamentales.


























