En cette fin d’année 2025, la France traverse une nouvelle phase d’instabilité budgétaire, marquée par l’adoption, le 23 décembre, d’une loi spéciale budgétaire par le Parlement. Voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale (496 voix pour, aucune contre) et confirmé au Sénat dans la soirée, cette loi d’urgence permet d’éviter une paralysie de l’État au 1er janvier 2026, en reconduisant temporairement les crédits et recettes de 2025. Cependant, comme l’a fermement rappelé le Premier ministre Sébastien Lecornu lors de son allocution solennelle depuis le perron de Matignon, « ce n’est pas pour autant un budget ». Cette mesure d’urgence, qualifiée de « roue de secours » ou de « service minimum » par les membres du gouvernement, ne fait que reporter l’échéance d’un véritable projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Depuis les élections législatives anticipées de 2024, qui ont privé l’exécutif d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, l’adoption des budgets est devenue un exercice périlleux. Après la chute du gouvernement de Michel Barnier fin 2024 et l’adoption tardive d’une loi spéciale pour le budget 2025, l’histoire se répète. Plus de deux mois et demi de débats intenses sur le PLF 2026 n’ont pas suffi : l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) le 19 décembre, en raison de divergences profondes entre l’Assemblée, influencée par la gauche réclamant davantage de recettes, et le Sénat, majoritairement à droite et favorable à des économies et baisses d’impôts, a scellé l’impossibilité d’un accord avant la fin de l’année.
Le gouvernement, dirigé par Sébastien Lecornu depuis octobre 2025, a multiplié les consultations avec les groupes parlementaires – à l’exception notable de La France insoumise et du Rassemblement national. Malgré ces efforts, aucune majorité ne s’est dégagée. Le budget de la Sécurité sociale pour 2026 a certes été adopté mi-décembre sans recours au 49.3 – une première depuis 2022 – mais le budget de l’État reste bloqué.
Présentée en Conseil des ministres exceptionnel le 22 décembre, présidé par Emmanuel Macron, cette loi spéciale – un texte court de quelques articles seulement – autorise l’État à percevoir les impôts existants dès le 1er janvier, à emprunter sur les marchés et à assurer les dépenses indispensables, notamment les salaires des fonctionnaires et le fonctionnement des services publics essentiels.
Mais cette mesure comporte des contraintes lourdes : gel des créations de postes dans la fonction publique, absence d’indexation du barème de l’impôt sur le revenu à l’inflation, suspension de nouvelles mesures ou aides, et blocage des investissements nouveaux, y compris dans des secteurs prioritaires comme la défense. Selon Roland Lescure, ministre de l’Économie, « plus la loi spéciale dure, plus cela coûte cher », avec un impact estimé à plusieurs milliards d’euros si elle se prolonge. Amélie de Montchalin (Comptes publics) a dénoncé un « service minimum qui ne répond ni aux urgences ni aux exigences des Français », risquant de laisser le pays « immobile ». Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, a rappelé que cette loi « n’est pas satisfaisante » et vise uniquement à « donner leurs chances à d’ultimes négociations ». Si elle se prolonge, elle aggraverait le déficit public déjà élevé et fragiliserait la confiance des investisseurs et des agences de notation.
Dans son intervention du 23 décembre, le Premier ministre a insisté sur l’urgence d’un accord : « Il faut donc un budget en janvier, et notre déficit doit être réduit à moins de 5 % du PIB en 2026 ». Se félicitant de l’adoption du budget de la Sécurité sociale sans 49.3, il a défendu le principe de « prendre le temps de bâtir un bon budget dans une démocratie comme la France ». Persuadé qu’un compromis reste possible « si les calculs politiques sont mis de côté », Lecornu a annoncé des discussions avec tous les groupes parlementaires, « y compris pendant les fêtes ».
Il a défini cinq priorités pour un accord : l’agriculture, en pleine crise avec des aides en suspens ; le financement des collectivités locales ; le logement ; l’outre-mer, notamment la Nouvelle-Calédonie ; ainsi que l’enseignement, la recherche et la jeunesse. Refusant toujours le recours à l’article 49.3 – promesse tenue jusqu’ici malgré les pressions – le Premier ministre mise sur le dialogue pour éviter une nouvelle crise politique.
Emmanuel Macron, qui pousse pour un déficit sous 5 % afin de restaurer la crédibilité française en Europe, voit dans cette situation les conséquences de l’instabilité post-dissolution. Avec des dépenses publiques élevées et une fiscalité lourde mais insuffisante, la France doit impérativement redresser ses comptes pour éviter une spirale d’endettement. Les débats reprendront dès janvier, la commission des finances de l’Assemblée pouvant examiner une nouvelle version du PLF dès le 7 ou 8 janvier, avec un vote en hémicycle mi-janvier. Tout nouvel échec prolongé pourrait coûter cher, tant économiquement que politiquement, dans une Assemblée toujours fracturée.


























