Le 28 décembre 2025, le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Mourad Adjal, a reçu au siège de son département à Alger l’ambassadeur du Royaume d’Arabie saoudite, le Dr Abdallah ben Nasser Al-Bassiri. Présentée officiellement comme une rencontre destinée à « renforcer la coopération énergétique », cette entrevue s’inscrit en réalité dans une dynamique bien plus profonde : celle d’un rééquilibrage défavorable des rapports de force, où l’Algérie, fragilisée financièrement, se place dans le sillage du leader incontesté de l’OPEP, Riyad.
Cette visite intervient à peine deux mois après la signature, le 13 octobre 2025, d’un contrat de partage de production (Production Sharing Agreement – PSA) entre Sonatrach et Midad Energy North Africa pour le périmètre stratégique d’Illizi Sud. D’un montant colossal de 5,4 milliards de dollars, cet accord engage l’Algérie sur une période de 30 ans, extensible à 40, en contrepartie d’un financement saoudien de l’exploration et du développement, et d’un accès direct à une part substantielle de la production future.
Pour l’Algérie, déjà confrontée à des contraintes budgétaires sévères, à un affaiblissement structurel de Sonatrach et à des retards technologiques persistants, ce contrat n’est pas anodin. Il illustre la dépendance croissante de la compagnie nationale — et, au-delà, de l’État — aux capitaux étrangers pour exploiter un sous-sol pourtant présenté depuis des décennies comme le socle de la souveraineté nationale. Certes, la loi sur les hydrocarbures de 2019 maintient formellement la propriété nationale des ressources et le rôle d’opérateur principal de Sonatrach. Mais, dans les faits, la rentabilité réelle pour l’État algérien dépendra étroitement du rythme, des choix et des performances du partenaire étranger.
Le projet d’Illizi Sud constitue un engagement stratégique massif : 5,4 milliards de dollars d’investissements pour une production estimée à 993 millions de barils équivalent pétrole, incluant 125 milliards de mètres cubes de gaz. Un potentiel considérable, certes, mais dont les bénéfices financiers pour l’Algérie resteront différés dans le temps. Pendant plusieurs années, les revenus majeurs iront prioritairement à la récupération des coûts engagés par le partenaire saoudien, tandis que la gestion opérationnelle et l’exposition aux risques techniques et financiers pèseront principalement sur ce dernier — plaçant Alger dans une position d’attente prolongée.
Cette trajectoire n’est pas le fruit du hasard. Elle débute en mars 2024 avec la signature d’un simple protocole d’accord entre Sonatrach et Midad, posant les jalons d’un rapprochement stratégique. Elle se concrétise en octobre 2025 par la signature du PSA, avant de s’élargir en décembre 2025, lorsque Mourad Adjal reçoit l’ambassadeur saoudien afin d’étendre la coopération aux énergies renouvelables, au solaire et à l’hydrogène vert — secteurs présentés comme l’avenir, mais financés et structurés, là encore, par des capitaux extérieurs.
Officiellement, ce partenariat est vendu comme une promesse d’investissements massifs, de création d’emplois et de transfert technologique. Officieusement, il révèle surtout les limites de l’État algérien à concevoir, financer et piloter seul des projets énergétiques d’envergure, malgré l’abondance de ses ressources naturelles. En signant cet accord, Mourad Adjal sécurise des financements et des compétences à court terme, mais il acte aussi une dépendance accrue, ainsi qu’un partage des bénéfices structurellement déséquilibré, là où une stratégie de réforme interne et de montée en compétence nationale aurait pu être privilégiée.
En ouvrant toujours davantage les portes de son sous-sol, l’Algérie parie sur la valorisation immédiate de ses hydrocarbures pour pallier ses fragilités économiques. Mais le coût réel de cette dépendance financière, stratégique et politique risque de se mesurer non pas en années, mais en décennies, au profit d’acteurs extérieurs mieux armés pour capter la valeur et imposer leur tempo.


























