Le 13 décembre 2025, le ministère algérien de la Défense nationale (MDN) a publié un communiqué officiel rejetant avec vigueur les accusations selon lesquelles l’Algérie aurait mis sur pied des unités de mercenaires destinées à conduire des opérations illégales dans la région du Sahel. Qualifiées de « campagne calomnieuse et flagrante », de « récits et scénarios de fiction » émanant de médias hostiles et de leurs supposés commanditaires, ces allégations seraient, selon le MDN, motivées par une volonté délibérée de ternir l’image de l’Armée nationale populaire (ANP) et de porter atteinte à la réputation internationale de l’Algérie. Le communiqué réaffirme que l’ANP agit exclusivement dans le cadre de la Constitution, des lois de la République, et dans le respect scrupuleux des principes de bon voisinage, de non-ingérence et de règlement pacifique des conflits.
Ce démenti ne relève en rien du hasard. Il s’inscrit dans un contexte où l’Algérie, forte de son héritage anticolonial et de son attachement revendiqué au non-alignement, se montre particulièrement sourcilleuse quant à la préservation de son honneur militaire. L’Armée nationale populaire y est présentée comme une institution rigoureuse et respectable, agissant dans le strict respect du droit interne comme des normes internationales. À travers ce rappel, Alger entend également réaffirmer son statut d’acteur central de la médiation régionale, mis en avant lors des processus de paix au Mali et à travers diverses initiatives diplomatiques destinées à contenir l’essor du jihadisme dans l’espace sahélien.
Mais derrière cette posture officielle, une zone d’ombre persiste. Les accusations faisant état de l’existence d’une unité paramilitaire secrète ne surgissent pas ex nihilo. Elles s’appuient sur un faisceau de sources sécuritaires qui, loin d’être purement fantaisistes, interrogent la cohérence du discours algérien et nourrissent un malaise croissant dans les cercles diplomatiques et stratégiques.
Au cœur de ces révélations figure une entité opaque, baptisée « Unité Spectre », également désignée sous le nom de code « KL-7 ». Selon des sources sécuritaires africaines et israéliennes, relayées par le média spécialisé Sahel Intelligence, cette force paramilitaire clandestine compterait environ 320 mercenaires soigneusement sélectionnés pour leur expérience opérationnelle et leur loyauté supposée. Recrutés parmi d’anciens combattants aguerris — vétérans des théâtres libyen, syrien ou ukrainien —, ces hommes auraient été formés dans les zones désertiques du sud algérien, à l’écart des centres urbains et des regards indiscrets, notamment dans les étendues du Hoggar.
Leur entraînement, décrit comme particulièrement poussé, couvrirait un large spectre de compétences : guerre asymétrique, opérations de sabotage, utilisation de drones tactiques, maniement de missiles portatifs antiaériens et antichars, ainsi que des missions de renseignement avancé. Plus troublant encore, ces mercenaires seraient soupçonnés d’entretenir des liens opérationnels avec des groupes jihadistes actifs dans le Sahel, notamment des factions affiliées à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS).
Ces combattants ne seraient pas de simples exécutants. Ils joueraient, selon les mêmes sources, un rôle central dans un réseau d’activités illicites mêlant partage de renseignements sensibles, coordination d’attaques armées contre les forces sahéliennes et livraison discrète d’armements sophistiqués — des lance-roquettes modernisés aux systèmes de guidage destinés aux engins explosifs improvisés. L’objectif stratégique présumé serait l’affaiblissement de l’Alliance des États du Sahel (AES), coalition regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui a récemment rompu avec les cadres traditionnels de coopération sécuritaire occidentale pour revendiquer une voie dite souverainiste.
Ces accusations s’appuieraient sur des éléments présentés comme étayés : interceptions de communications, témoignages d’anciens instructeurs recrutés via des réseaux libyens, et images satellitaires révélant l’existence de camps d’entraînement isolés, fréquentés par des véhicules tout-terrain et des hélicoptères civils modifiés opérant de nuit. Sahel Intelligence évoque également des complicités internationales, mentionnant la présence présumée d’experts étrangers spécialisés en contre-terrorisme, dans une logique de coopération pragmatique aux objectifs géopolitiques convergents.
La controverse dépasse largement le cadre strictement militaire pour toucher au cœur de la géopolitique sahélienne. Cette région, devenue un théâtre de rivalités exacerbées entre puissances étrangères — France post-Barkhane, Russie via ses nouvelles structures paramilitaires, États-Unis, Chine —, constitue un espace stratégique vital pour l’Algérie, forte de plus de 6 000 kilomètres de frontières communes avec des États fragilisés par l’insurrection et l’instabilité.
Dès lors, comment concilier l’image d’un acteur stabilisateur avec des soupçons d’opérations illégales susceptibles de violer frontalement le droit international ? La Convention internationale contre le recrutement et l’utilisation de mercenaires, ratifiée par l’Algérie, interdit explicitement de telles pratiques. Sur le plan sécuritaire, un tel jeu d’équilibriste pourrait se retourner contre Alger elle-même, en alimentant une instabilité transfrontalière déjà perceptible à travers des incursions armées et des attaques sporadiques à ses confins méridionaux.
Au-delà des risques stratégiques, c’est l’honneur militaire algérien qui se trouve directement mis à l’épreuve. Hérité de la guerre de libération nationale et fondé sur des valeurs de souveraineté, de dignité et de solidarité, cet héritage symbolique pourrait être profondément entamé si ces accusations venaient à être corroborées. L’ANP, pilier de la cohésion nationale, verrait alors sa légitimité morale fragilisée, tant auprès de ses partenaires régionaux que d’une opinion internationale de plus en plus attentive aux exigences de transparence et de responsabilité.
Face à ce scandale latent, les réactions commencent à se multiplier. Des responsables de l’AES appellent à l’ouverture d’une enquête sous l’égide de l’Union africaine, tandis que des organisations de défense des droits humains réclament une investigation indépendante sur les flux d’armes et les acteurs armés non étatiques opérant dans la région. À Alger, une contre-offensive diplomatique et médiatique semble se dessiner, mêlant dénégation officielle, valorisation des succès antiterroristes et tentatives de discrédit des sources.

























