Le 16 décembre 2025, le Parquet national financier (PNF) a franchi une nouvelle étape décisive dans l’un des volets les plus sensibles de la galaxie judiciaire entourant Nicolas Sarkozy. Dans un communiqué officiel, il a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de l’ancien président de la République, de son épouse Carla Bruni-Sarkozy, de la communicante Michèle Marchand, dite « Mimi Marchand », ainsi que de huit autres personnes. Cette procédure concerne l’enquête portant sur la rétractation jugée suspecte de Ziad Takieddine, témoin clé du dossier du présumé financement libyen de la campagne présidentielle de 2007.
Intermédiaire franco-libanais décédé en septembre 2025 à l’âge de 75 ans des suites d’une longue maladie, Ziad Takieddine avait, dans un premier temps, lourdement mis en cause Nicolas Sarkozy. Entre 2011 et 2016, il affirmait avoir personnellement acheminé jusqu’à cinq millions d’euros en espèces, remis à Claude Guéant, ancien directeur de cabinet de l’ex-chef de l’État, et parfois directement à Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur.
Toutefois, en novembre 2020, un spectaculaire revirement vient bouleverser l’enquête. Lors d’une interview réalisée au Liban pour Paris Match, organisée par Michèle Marchand, Takieddine se rétracte publiquement et retire l’ensemble de ses accusations, assurant ne disposer d’« aucune preuve » contre Nicolas Sarkozy. Ce coup de théâtre, survenu alors que l’enquête judiciaire battait son plein, est rapidement qualifié par certains enquêteurs d’« opération Sauvez Sarko ». Quelques mois plus tard, l’intermédiaire reviendra une nouvelle fois sur ses déclarations, réaffirmant ses accusations initiales avant son décès.
Pour les magistrats instructeurs, cette volte-face de 2020 ne serait en rien spontanée. Le PNF soupçonne au contraire une manœuvre concertée, possiblement contre rémunération ou promesses d’avantages, impliquant plusieurs intermédiaires, tant au Liban qu’en France, dans le but d’affaiblir la procédure judiciaire en cours.
Dans ce contexte, le parquet requiert le renvoi de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée et pour recel de subornation de témoin. Carla Bruni-Sarkozy est, pour sa part, visée uniquement pour la première qualification, le PNF sollicitant un non-lieu partiel concernant le recel de subornation. Michèle Marchand, figure centrale de ce volet de l’enquête, encourt des poursuites plus lourdes : subornation de témoin, association de malfaiteurs en vue d’escroquerie, ainsi que association de malfaiteurs en vue de la corruption de fonctionnaires judiciaires au Liban.
D’autres protagonistes, notamment le photographe Noël Dubus ou l’intermédiaire Arnaud de la Villesbrunne, sont également concernés par des mises en cause pour subornation de témoin ou complicité. Si ces qualifications étaient retenues, les prévenus s’exposeraient à des peines pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Ce dossier s’inscrit comme un rameau de l’« affaire mère » du financement libyen, dans laquelle Nicolas Sarkozy a déjà été condamné en septembre 2025 à cinq ans de prison, dont une partie ferme, pour association de malfaiteurs. L’ancien président a fait appel de cette condamnation, et un nouveau procès est programmé du 16 mars au 3 juin 2026. Brièvement incarcéré à la prison de La Santé en octobre 2025 avant sa remise en liberté dans l’attente de l’appel, il continue de clamer son innocence.
L’ensemble des mis en cause dans le volet relatif à la rétractation de Takieddine contestent vigoureusement les faits qui leur sont reprochés. L’avocat de Nicolas Sarkozy, Me Christophe Ingrain, n’a pas souhaité s’exprimer à ce stade, tandis que plusieurs recours en nullité des mises en examen sont toujours pendants devant la cour d’appel de Paris.
Il appartient désormais au juge d’instruction de décider s’il suit ou non les réquisitions du PNF et ordonne un renvoi devant le tribunal correctionnel. Une décision attendue dans les mois à venir, qui pourrait ouvrir un nouveau chapitre d’une saga judiciaire tentaculaire. À 70 ans, Nicolas Sarkozy demeure une figure influente de la droite française, mais son héritage politique reste profondément marqué par une décennie de procédures où se mêlent politique, finance internationale et zones d’ombre judiciaires.

























