Le 8 décembre 2025, au Caire, Abdel Fattah al-Sissi – l’homme qui a renversé le seul président démocratiquement élu d’Égypte en 2013 avant de s’autoproclamer « sauveur de la nation » – a reçu Khalifa Haftar, le seigneur de guerre libyen rêvant d’être le nouveau Mouammar Kadhafi : moins excentrique, certes, mais tout aussi sanguinaire.
Officiellement, le communiqué officiel évoque la « profondeur des relations égypto-libyennes », le « soutien total de l’Égypte à l’armée et aux institutions nationales libyennes », la « chasse aux mercenaires étrangers » et les « perspectives pour les élections ». Sissi promet à Haftar armes, argent, renseignement et couverture diplomatique, afin qu’il poursuive sa mission de torpillage de toute transition démocratique en Libye.
Les faits, soigneusement passés sous silence, parlent d’eux-mêmes : Haftar a saboté les accords de Skhirat, de Berlin, de Genève et tous les processus de paix depuis 2015. Il a bombardé Tripoli en 2019-2020 avec l’aide des drones émiratis, des mercenaires russes de Wagner et… des livraisons d’armes égyptiennes, violant sans scrupule l’embargo de l’ONU. Depuis quatre ans, il bloque la tenue d’élections présidentielles, conscient qu’il les perdrait face à tout candidat légitime.
Sissi, quant à lui, rejoue le scénario de 2014 lorsqu’il avait soutenu l’opération « Dignité » : transformer la Libye en protectorat égyptien déguisé. Pourquoi ? Parce qu’un État libyen stable et démocratique serait une menace pour le régime militaro-policié du Caire. Imaginez le précédent : des Libyens votant librement pendant que les Égyptiens restent soumis depuis douze ans.
Le discours sur « l’ingérence étrangère » et « l’expulsion des mercenaires » devient presque comique. Ces deux hommes ont ouvert grand leurs portes à Wagner, aux Soudanais de Hemetti, aux Syriens d’Assad et aux Émiratis pour faire la loi en Libye. Les seuls mercenaires qu’ils veulent vraiment chasser ? Ceux qui ne sont pas à leur solde.
Et puis il y a cette perle : « La stabilité du Soudan est étroitement liée à la sécurité nationale de l’Égypte et de la Libye ». Traduction : maintenir un Soudan faible et divisé, continuer à piller l’or, faire transiter les armes et recruter des miliciens bon marché. La souveraineté soudanaise ? Accessoire, tant que le chaos reste contrôlable.
En réalité, cette rencontre n’était pas un événement « historique ». C’était une réunion de crise entre deux hommes dont la survie politique dépend de l’enterrement définitif de la révolution libyenne de 2011 et du maintien d’un chaos contrôlé à leurs frontières.
Tant que Sissi et Haftar resteront au pouvoir, la Libye ne connaîtra ni paix, ni élections, ni État. Elle restera une colonie partagée entre seigneurs de guerre, milices et puissances régionales, qui se servent sans vergogne dans le cadavre encore chaud d’un pays jadis prospère.
Et l’Occident ? Comme toujours, il détourne le regard. Il préfère un dictateur stable qui ferme les vannes migratoires et combat les Frères musulmans plutôt qu’un peuple libre qui risquerait de mal voter.

























