Les manifestants demandent le départ de l’exécutif dont le Premier ministre, Hasan Diab, a assuré ce samedi que le complot contre lui « avait échoué »
« Le complot orchestré pour renverser le gouvernement, a échoué », a déclaré samedi le Premier ministre libanais Hasan Diab dans un discours télévisé. Diab a appelé à la « patience » des manifestants qui, pour la septième journée consécutive, sont descendus dans les rues et ont coupé les principales artères du pays avec des barricades. Ils revendiquent la chute du gouvernement et demandent des mesures immédiates pour stopper l’effondrement de la livre libanaise qui a enregistré jeudi une baisse historique pour perdre 70% de sa valeur face au dollar.
Réuni en session extraordinaire d’urgence, le Conseil des ministres a annoncé la veille, l’injection de dollars sur le marché et la stabilisation de la livre sterling, qui ne se sont toutefois pas concrétisées dans les bureaux de change du pays.
« Nous demandons la dissolution du gouvernement et son remplacement par un parti civil loin des partis sectaires ancrés au pouvoir et corrompus », a déclaré Hanna Gharib, chef du parti communiste libanais lors d’une marche de protestation ce samedi à la capitale libanaise. « La situation n’est pas viable et nous avons perdu patience », a déclaré le fonctionnaire et manifestant Khaled K., dont le salaire mensuel à LBP a été considérablement réduit de 650 $ à 200 $ pour subvenir aux besoins d’une famille de six membres.
Le mouvement de protestation national qui a vu le jour en octobre dernier a ensuite renversé le précédent gouvernement d’unité, qui en janvier a été remplacé par un gouvernement monochrome approuvé par la coalition tandem chiite Amal-Hezbollah et son allié chrétien, le Mouvement patriotique libre, par le président Michel Aoun.
« En six mois de vie, le nouveau gouvernement s’est révélé incapable d’établir un plan concret de réformes économiques et une condition nécessaire pour débloquer l’aide internationale », a déclaré un diplomate européen à Beyrouth, qui a parlé de l’anonymat. La crise économique déjà grave a été amplifiée par des mesures de confinement dans la lutte contre Covid-19 sans un ensemble d’aides d’État pour atténuer l’impact. Plus de 1 000 habitants ont fermé définitivement leurs portes et 200 000 personnes ont perdu leur emploi au cours des sept derniers mois, portant le taux de chômage dans le secteur formel à 30% et faisant chuter près des deux tiers des 4,5 millions de Libanais dans le seuil de pauvreté.
La détérioration économique couplée à la hausse vertigineuse des prix a fini par aggraver les tensions politiques et sociales que le pays entraîne. Des groupes de jeunes armés se sont affrontés il y a une semaine dans les rues de Beyrouth alors que leurs dirigeants politiques font rage à la croisée des accusations mutuelles.
« Méfiez-vous des infiltrés dans vos rangs », a averti l’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui, accusé de voiles, a accusé les partis d’Amal et du Hezbollah d’avoir incité vendredi soir à piller et à incendier plusieurs entreprises à Beyrouth. « Tous les partis sectaires tentent d’instrumentaliser des manifestations non confessionnelles et non partisanes », regrette le militant Nader S et directeur de l’un des groupes WhatsApp converti en salle d’opération pour la coordination des manifestations au niveau national. « Certains contre le Hezbollah, appelant à leur désarmement des milices et à des sanctions internationales, tandis qu’Amal et le Hezbollah ont éclaté les protestations parce qu’ils ne veulent pas qu’un gouvernement qu’ils contrôlent tombe », a-t-il dit.
Les manifestations se sont répandues à travers le pays, samedi, et ont provoqué de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ ordre dans la ville de Tripoli, dans le nord du pays, la deuxième plus grande ville du Liban, où des volontaires de la Croix-Rouge libanaise avaient déjà assisté à une douzaine de blessés avant le coucher du soleil.
Le manque de liquidité des devises dans un pays qui importe 80% de ce qu’il consomme a fini par entraîner la Syrie voisine dans la crise: depuis le début de la guerre en 2011, Beyrouth est devenue la seule porte d’entrée vers Dollars. Sans réserve, les banques libanaises ont gelé les dépôts en dollars et n’émettent que des livres libanaises à un taux de change quatre fois inférieur à celui utilisé dans les bureaux de change officiels. « 20% des dépôts dans les banques libanaises appartiennent à des citoyens syriens pour qui Beyrouth est le poumon économique pour contourner les sanctions internationales », explique l’économiste syrien Samir Aita, qui évalue ces 20% entre 26 000 et 35000 millions d’euros. Des militants libanais se sont déchaînés sur les réseaux sociaux cette semaine contre le gouvernement syrien et ses alliés au Liban [par le Hezbollah et Amala] qu’ils accusent de « traîner des dollars au Liban pour les déplacer illégalement en Syrie ». En plus des dollars, la contrebande de produits subventionnés par l’État libanais, comme le carburant ou le blé, s’ajoute au franchissement illégal de la frontière et à sa revente en Syrie. Le ministre libanais de l’Agriculture, Abbas Mortada, a demandé samedi à l’exécutif de déclarer l’état d’urgence et d’imposer un contrôle strict des passages frontaliers terrestres avec la Syrie. Le ministre libanais de l’Agriculture, Abbas Mortada, a demandé samedi à l’exécutif de déclarer l’état d’urgence et d’imposer un contrôle strict des passages frontaliers terrestres avec la Syrie.