L’annonce du pacte de défense mutuelle entre le Pakistan et l’Arabie saoudite suscite un vif débat. Est-il le reflet d’une confrontation idéologique entre l’islam et le judaïsme, ou bien le résultat d’un calcul stratégique où Riyad cherche à renforcer sa position au sein de la Oumma ? Cette alliance interroge aussi l’Inde, partenaire économique majeur de l’Arabie saoudite, qui pourrait voir son équilibre régional fragilisé.
Le rapprochement entre Islamabad et Riyad repose avant tout sur des considérations politiques et sécuritaires. L’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints de l’islam, cherche à réaffirmer son leadership face à d’autres puissances musulmanes comme la Turquie, dont Recep Tayyip Erdogan nourrit l’ambition de se poser en nouveau calife. En choisissant le Pakistan, seule puissance nucléaire du monde musulman avec près de 180 ogives, Riyad s’associe à un allié stratégique qui lui confère une crédibilité militaire renforcée.
Certains analystes y voient également un message adressé à Israël. Bien que Riyad et Tel-Aviv aient tenté une diplomatie indirecte après les Accords d’Abraham de 2020, la guerre sanglante de Gaza et l’attaque du Hamas en octobre 2023 ont gelé tout processus de normalisation. En s’alliant au Pakistan, l’Arabie saoudite peut envoyer un avertissement : elle reste capable de mobiliser le monde musulman si ses intérêts sont menacés.
Si le pacte a été interprété par certains comme une confrontation entre l’islam et les juifs, cette lecture paraît simpliste. L’Arabie saoudite demeure le premier acheteur d’armes américaines (142 milliards de dollars d’accords conclus sous Donald Trump) et n’a aucun intérêt à s’opposer directement à Israël, allié stratégique des États-Unis. Ce pacte avec Islamabad relève davantage d’un jeu d’équilibre au sein du monde musulman que d’une volonté d’entrer dans un affrontement religieux global.
Pour l’Inde, cette évolution est préoccupante. New Delhi entretient des relations économiques étroites avec Riyad, qui a déjà investi plusieurs milliards et prévoit plus de 100 milliards de dollars dans les cinq prochaines années. L’Arabie saoudite reste également un fournisseur énergétique vital pour l’économie indienne. Mais l’alliance de Riyad avec Islamabad, ennemi historique de l’Inde, ne peut être perçue sans inquiétude.
La réaction de New Delhi est restée mesurée : le ministère indien des Affaires étrangères a réaffirmé son attachement à la sécurité nationale et indiqué qu’il suivait de près les implications de ce pacte. Derrière cette prudence se cache une réalité : l’Inde ne peut se permettre une détérioration de ses liens avec Riyad, mais elle devra redoubler d’efforts diplomatiques pour éviter un isolement dans la recomposition régionale.