Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a lancé un vibrant appel à l’Algérie pour qu’elle accorde sa grâce à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné en mars dernier à cinq ans de prison pour atteinte à l’unité nationale, possession de publications subversives et insultes envers les institutions de l’État. Dans une lettre adressée à Abdelmadjid Tebboune, Steinmeier invoque à la fois l’amitié de longue date qui lie les deux chefs d’État, l’âge avancé de l’auteur et son état de santé fragile, plaidant pour un geste humanitaire et la possibilité pour Sansal de recevoir des soins en Allemagne.
« Compte tenu de la santé de M. Sansal et de son apport considérable à la culture francophone, un geste de clémence serait perçu comme un signe d’humanité et de clairvoyance politique », a indiqué la présidence allemande dans un communiqué.
L’écrivain, âgé de 80 ans et atteint d’un cancer de la prostate, est détenu depuis près d’un an à la suite de déclarations publiées dans un quotidien français classé à l’extrême droite, où il évoquait la question sensible des frontières entre l’Algérie et ses voisins de l’Ouest. Il y affirmait notamment que la France avait, durant la période coloniale, « transféré injustement certains territoires à l’Algérie » — des propos immédiatement interprétés par Alger comme une atteinte à la souveraineté nationale.
Auteur du « Serment des barbares » (1999) et lauréat du Grand Prix du Roman de l’Académie française, Boualem Sansal s’est imposé comme l’une des voix les plus critiques de la scène intellectuelle algérienne contemporaine. Ses prises de position contre l’islamisme politique et son analyse sans concession du pouvoir algérien lui ont valu autant d’admiration à l’étranger que d’hostilité dans son pays natal.
Lauréat du Prix de la Paix des libraires allemands en 2011, Sansal jouit en Allemagne d’un grand respect dans les milieux littéraires et universitaires. Plusieurs organisations, dont la branche allemande de PEN International, ont appelé à sa libération immédiate, dénonçant une « criminalisation de la pensée critique » par les autorités algériennes.
La demande de Steinmeier intervient alors que les relations franco-algériennes restent particulièrement tendues, Paris ayant également exhorté Alger à faire preuve de clémence envers l’écrivain naturalisé français depuis 2014. Le fait que la présidence et la télévision publique algériennes aient relayé la requête du chef d’État allemand est perçu par certains observateurs comme un signe d’ouverture ou, du moins, comme un geste de communication destiné à jauger les réactions internes et internationales.
Pour Berlin, l’affaire dépasse la seule dimension juridique. En plaidant pour une grâce, Steinmeier met en avant la valeur universelle de la liberté d’expression et la nécessité de préserver les voix critiques dans les sociétés modernes.
« L’histoire retiendra les nations qui ont choisi la culture, la compassion et la raison plutôt que la peur et le silence », a déclaré un proche du président allemand.
Au-delà du sort personnel de Boualem Sansal, cette affaire illustre la fragilité de la parole intellectuelle dans un contexte autoritaire, où les mots peuvent devenir des armes redoutées. À 80 ans, l’auteur continue d’incarner la résistance de l’esprit libre face à la censure et au conformisme.
Si Alger venait à répondre favorablement à la demande de Berlin, ce serait non seulement un geste de réconciliation diplomatique, mais aussi un signal fort en faveur de la dignité humaine et de la liberté d’expression, valeurs que Boualem Sansal a toujours défendues — au risque de sa propre liberté.



























