La situation en Asie de l’Est s’envenime, et pour la première fois depuis plusieurs décennies, la Chine a pris la décision rare et symboliquement lourde de déconseiller formellement à ses ressortissants de se rendre au Japon, une mesure qui survient en réaction aux déclarations particulièrement musclées de la Première ministre japonaise, Sanae Takaichi, lesquelles ont laissé entendre qu’une intervention militaire japonaise pourrait être justifiée en cas d’attaque contre Taïwan.
Le 7 novembre 2025, lors d’une session parlementaire à Tokyo, Sanae Takaichi a affirmé que « une urgence militaire à Taïwan impliquant des navires de guerre et le recours à la force pourrait constituer une menace existentielle pour le Japon » et que le pays devait « envisager le pire scénario ». Ces mots, prononcés dans le cadre légal de la défense collective prévu par la loi de 2015, ont été largement interprétés comme une menace implicite selon laquelle le Japon pourrait intervenir militairement en soutien à Taïwan en cas d’invasion chinoise, soulevant immédiatement l’indignation de Pékin.
Le 14 novembre, l’ambassade de Chine à Tokyo a publié un avertissement officiel sur Weibo et WeChat, rappelant à ses citoyens d’éviter tout voyage au Japon en raison de « risques importants pour leur sécurité », tandis que le lendemain, les trois principales compagnies aériennes chinoises — Air China, China Southern et China Eastern — ont annoncé que les détenteurs de billets pour le Japon entre le 15 novembre et le 31 décembre pouvaient soit modifier leur itinéraire sans frais, soit obtenir un remboursement intégral. Parallèlement, le consul général de Chine à Osaka, Xue Jian, a tenu des propos virulents sur X, supprimés depuis, déclarant qu’il fallait « couper cette sale tête sans hésitation », provoquant la convocation immédiate de l’ambassadeur chinois par Tokyo et la riposte diplomatique réciproque de Pékin.
Taïwan occupe une place stratégique et symbolique dans les relations sino-japonaises. Géographiquement, l’île se situe à seulement 110 km des îles japonaises de Yonaguni, ce qui fait qu’un conflit militaire autour de Taïwan représenterait une menace directe pour le Japon, tandis que sur le plan historique, le Japon a occupé Taïwan entre 1895 et 1945, ce que Pékin considère comme une humiliation nationale. En 2025, à l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la victoire chinoise sur le Japon et du retour de Taïwan sous contrôle chinois, toute allusion à une intervention étrangère est perçue par Pékin comme un casus belli rhétorique, capable de déclencher de vives réactions diplomatiques et nationales.
Sur le plan économique et social, l’avertissement chinois risque d’avoir des effets immédiats et tangibles : près de 7,5 millions de touristes chinois se sont rendus au Japon entre janvier et septembre 2025, un flux qui pourrait chuter brutalement, tandis que la Chine, premier partenaire commercial du Japon, détient un levier significatif pour d’éventuelles représailles économiques ciblées. Parallèlement, la sécurité régionale se renforce, avec une surveillance accrue dans le détroit de Taïwan et des exercices militaires chinois intensifiés, signalant que Pékin est prêt à afficher sa puissance militaire pour dissuader toute ingérence étrangère.
Pour l’instant, le Japon maintient sa position, tout en appelant à la désescalade et en soulignant sa volonté de stabilité, tandis que la Chine, sans recourir pour l’instant à la force, poursuit une stratégie de pression économique et diplomatique. Les États-Unis, principaux alliés du Japon dans la région, observent la situation avec prudence, conscients que toute action prématurée pourrait embraser la région. Si le risque d’escalade militaire reste faible à court terme, une crise prolongée et une montée des tensions diplomatiques apparaissent néanmoins comme des perspectives plausibles.



























