La Maison-Blanche se prépare à un spectacle diplomatique d’une ampleur rare. Ce mardi, Donald Trump accueille Mohammed ben Salman pour une visite de trois jours qui ressemble moins à une rencontre bilatérale qu’à une démonstration de puissance soigneusement chorégraphiée. Washington veut montrer qu’avec l’Arabie saoudite, on sort l’artillerie lourde : drapeaux déployés dès l’aube sur Pennsylvania Avenue, fanfares militaires, salves de canon, cavalerie montée… Un protocole presque d’État, sans en porter officiellement le nom, mais révélateur de l’importance accordée au prince héritier.
Derrière ce faste, la réalité est plus trouble. Les dernières 48 heures ont montré que cette visite est loin d’être un simple exercice de courtoisie diplomatique. Les fuites se multiplient : Washington serait prêt à vendre à Riyad des F-35, les avions furtifs les plus sophistiqués de son arsenal. Un cadeau stratégique majeur. Mais il y a un hic : Israël exige que cette vente soit conditionnée à une concession politique saoudienne. Depuis Jérusalem, le message est clair : pas de F-35 sans geste envers l’État hébreu.
Problème : Riyad refuse cette équation. Quelques heures après les fuites, les Saoudiens rassurent l’Autorité palestinienne : aucune reconnaissance d’Israël ne sera envisagée tant que l’extrême droite israélienne gouvernera et piétinera les droits palestiniens.
La réponse israélienne ne se fait pas attendre. Le ministre de la Défense, Israël Katz, publie un communiqué lapidaire :
« Il n’y aura pas d’État palestinien. »
Un message cinglant adressé autant à Riyad qu’à Washington.
Dans cette agitation, une réalité saute aux yeux : la bataille d’influence autour de Donald Trump n’a jamais été aussi visible. Autrefois, l’avantage allait sans débat à Israël, acteur quasi hégémonique dans la sphère trumpienne. Mais la donne a changé. En septembre déjà, Benyamin Netanyahou avait dû ravaler sa frustration lorsque son raid militaire sur le Qatar avait provoqué l’effet inverse : Washington avait stoppé l’opération à Gaza plus tôt que prévu, preuve que Trump arbitre désormais autrement.
Avec l’Arabie saoudite, l’écart se creuse. Trump entretient avec les monarchies du Golfe des liens personnels, politiques… et surtout financiers. Ce week-end, le New York Times a révélé un projet immobilier colossal que la Trump Organization — l’entreprise familiale du président — s’apprête à lancer en Arabie saoudite.
Cette visite illustre surtout un fait central : l’Arabie saoudite est redevenue la pièce maîtresse de la recomposition du Moyen-Orient. Israël le sait, les États-Unis aussi, et Riyad entend bien capitaliser sur cette position.
Entre la vente potentielle des F-35, les pressions israéliennes, les assurances faites aux Palestiniens et les deals économiques XXL, tout converge vers une conclusion : MBS arrive à Washington en position de force. Et Trump, qui manie volontiers le spectacle et le deal, semble déjà prêt à dérouler le tapis d’or pour sceller une alliance qui dépasse largement la diplomatie classique. MBS ne vient pas en visiteur. Il vient redessiner la carte. Et pour l’instant, c’est lui qui tient le stylo.


























