Ce samedi 29 novembre 2025, à Moissac, petit bastion du Rassemblement National dans le Tarn-et-Garonne, Jordan Bardella signait tranquillement son livre Ce que veulent les Français lorsqu’un septuagénaire de 74 ans a décidé de lui faire passer un message .…de lui montrer ce qu’il voulait à sa façon : un œuf cru éclaté sur le crâne impeccablement coiffé du président du RN.
La scène pourrait prêter à sourire si elle n’était pas devenue, en quelques mois, une routine consternante de la vie politique française. Une semaine après avoir encaissé un sac de farine en pleine figure à Castres, Bardella se retrouve donc cette fois-ci avec du jaune coulant sur la nuque. L’agresseur – un retraité patient dans la file d’attente – a été maîtrisé en deux secondes par le service d’ordre, menotté et embarqué. Garde à vue, plainte du RN, enquête pour “violences sur personne dépositaire de l’autorité publique” : la procédure classique.
Ce qui est moins classique, c’est la rapidité avec laquelle le RN a transformé l’œuf en grenade dégoupillée. « Agression », « militant d’extrême gauche », « climat de haine », « menace sur la démocratie » : en quelques minutes, le communiqué était prêt, les tweets de solidarité fusaient, et Sébastien Chenu parlait déjà d’“extrême gauche dangereuse pour le pays”. Pour un œuf.
Cette surenchère rhétorique est révélatrice. D’un côté, des opposants qui, à court d’arguments ou de courage, en reviennent à la vieille tradition de la tartignollerie politique à la française : œuf, farine, crème chantilly… armes des lâches qui veulent faire un coup sans risquer grand-chose. De l’autre, un parti qui saisit chaque projectile pâtissier pour hurler à la tentative d’assassinat et se poser en victime d’un système qui le traque.
Entre les deux, il y a la réalité : personne n’est dupe. Ni ceux qui trouvent ça « drôle » ou « mérité », ni ceux qui crient au « fascisme antifasciste ». On assiste à la comédie triste d’une démocratie qui se ridiculise à petit feu, où l’on agresse avec des produits laitiers et où l’on répond avec des communiqués de guerre civile.
Jordan Bardella, lui, a fini sa séance de dédicaces, souriant, cheveux encore humides. Il a l’habitude maintenant. Il sait que l’image du jeune leader « agressé » par un vieux monsieur fait le tour des réseaux sociaux et ramène quelques milliers de voix supplémentaires chez ceux qui en ont marre de tout ce cirque.
L’œuf est cassé, la mayonnaise a pris. Et pendant ce temps-là, personne ne parle du livre.


























