Alep, Syrie – 23 décembre 2025 Des affrontements violents ont éclaté lundi à Alep, dans le nord de la Syrie, entre les forces de l’armée syrienne et les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition à majorité kurde soutenue par les États-Unis. Ces combats, parmi les plus intenses depuis plusieurs mois dans cette ville historique, ont fait au moins trois morts et une trentaine de blessés, selon des sources concordantes.
Les violences se sont concentrées aux abords des ronds-points de Sheihan et Lairmoun, à proximité des quartiers kurdes de Sheikh Maqsoud et Achrafieh, contrôlés par les FDS depuis des années.
Des tirs nourris de mitrailleuses lourdes, de mortiers et d’artillerie ont résonné pendant plusieurs heures, provoquant des incendies dans plusieurs bâtiments, la fuite de dizaines de familles et la fermeture temporaire de routes principales. L’agence de presse officielle syrienne SANA a diffusé des images montrant des flammes s’élevant d’un immeuble touché par les combats.
Les bilans varient selon les sources : la direction de la santé d’Alep, sous contrôle gouvernemental, rapporte deux civils tués et huit blessés par des obus des FDS. De son côté, le porte-parole des FDS, Farhad Shami, a indiqué au moins un civil tué et 23 blessés, dont six membres des forces de sécurité, attribuant les tirs à des « factions affiliées au gouvernement de Damas ». Des sauveteurs de la Défense civile syrienne ont également été blessés alors qu’ils intervenaient sur les lieux.
Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir déclenché les hostilités. Le ministère syrien de l’Intérieur a qualifié l’action des FDS d’« attaque perfide » contre des checkpoints conjoints, tandis que les FDS rejettent ces allégations et pointent des provocations gouvernementales. Après plusieurs heures d’échanges intenses, un cessez-le-feu a été conclu en soirée : l’état-major syrien a ordonné l’arrêt des ripostes, et les FDS ont annoncé avoir donné des instructions similaires à leurs unités pour cesser de répondre aux attaques.
Ces affrontements interviennent dans un contexte hautement tendu, coïncidant avec la visite à Damas du ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, accompagné du ministre de la Défense et du chef des renseignements. Les discussions ont porté sur l’intégration des FDS dans la nouvelle armée syrienne, prévue par un accord signé en mars 2025 entre le président Ahmed al-Sharaa – au pouvoir depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024 – et le commandant des FDS, Mazloum Abdi.
Cet accord, négocié sous auspices américains, vise à fusionner les quelque 50 000 à 70 000 combattants des FDS dans les institutions étatiques, à transférer le contrôle des frontières, aéroports et champs pétrolifères au gouvernement central, et à établir un cessez-le-feu national. La date butoir initiale est fixée à la fin de l’année 2025, mais les négociations patinent sur des points cruciaux : Damas et Ankara insistent pour un démantèlement complet de la structure de commandement des FDS et une intégration individuelle des combattants, tandis que les responsables kurdes plaident pour le maintien d’unités cohérentes, éventuellement en trois divisions sous contrôle partiel syrien.
La Turquie, qui classe les FDS comme une extension du PKK (considéré comme terroriste par Ankara), exerce une pression intense pour une dissolution totale. Lors de sa conférence de presse à Damas, Hakan Fidan a accusé les FDS de manquer de « volonté sérieuse » d’avancer et même de coordonner certaines opérations avec Israël, une allégation rejetée par les intéressés. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad al-Shibani, a pour sa part dénoncé une « procrastination systématique » des FDS, tout en révélant qu’une nouvelle proposition syrienne avait reçu une réponse la veille, actuellement à l’étude.
Des analystes estiment que ces violences pourraient être une tentative de l’une ou l’autre partie d’influencer les pourparlers en cours. « La question de l’intégration des FDS reste le dossier le plus explosif en Syrie post-Assad », note un expert du Moyen-Orient, soulignant les risques pour l’unité nationale d’un pays encore marqué par 14 ans de guerre civile. Les FDS contrôlent un quart du territoire syrien, riche en ressources, et constituent la force la plus puissante non gouvernementale du pays.
Malgré le cessez-le-feu, la proximité de l’échéance fait craindre une escalade plus large si aucun accord concret n’est trouvé. Le gouverneur d’Alep a d’ailleurs ordonné la suspension des activités administratives, scolaires et universitaires dans la ville ce mardi pour raisons de sécurité.
La communauté internationale suit de près ces développements : les États-Unis, principal soutien des FDS dans la lutte contre les remnants de l’État islamique, appellent à la désescalade, tandis que la Turquie et la Syrie nouvelle cherchent à consolider leur rapprochement stratégique. Un échec de l’intégration pourrait non seulement raviver les conflits internes, mais aussi compliquer la reconstruction et la stabilité régionale.

























