Le président sortant de la Croatie, Zoran Milanovic, a remporté une victoire écrasante lors du second tour des élections présidentielles du 12 janvier 2025. Avec plus de 74 % des voix, il a battu son adversaire conservateur Dragan Primorac, soutenu par le Parti démocrate croate (HDZ), qui a récolté près de 26 %. Ce score, le plus élevé jamais obtenu par un candidat à la présidentielle depuis l’indépendance de la Croatie en 1991, marque un tournant dans la politique du pays.
Bien que la présidence croate soit en grande partie symbolique et protocolaire, cette victoire a des répercussions importantes sur la scène politique croate. Elle constitue un sérieux revers pour le HDZ et son leader, le Premier ministre Andrej Plenkovic, dont l’influence semble remise en question par l’énorme soutien dont Milanovic a bénéficié. Ancien Premier ministre de gauche et ancien membre du Parti social-démocrate, Milanovic est devenu une figure centrale de la politique croate, incarnant un contrepoids au gouvernement en place.
Soutenu par l’opposition de gauche, Milanovic a séduit un large électorat grâce à sa rhétorique populiste et sa capacité à critiquer les structures de pouvoir en place, notamment l’Union européenne et les politiques du gouvernement croate. Ses critiques visent particulièrement Bruxelles, qu’il qualifie d’autocratique, ainsi que le gouvernement dirigé par Plenkovic, qu’il accuse de centraliser trop de pouvoir entre ses mains. La victoire de Milanovic est ainsi perçue comme un message de la part du peuple croate, qui rejette un gouvernement jugé trop autoritaire.
Milanovic a utilisé cette réélection comme une occasion de réaffirmer ses positions et d’exhorter les responsables politiques à écouter les aspirations de la population. Lors de son discours de victoire, il a déclaré que ce soutien massif constituait un plébiscite pour son action et un message fort pour ceux qui détiennent le pouvoir en Croatie. Le taux de participation au second tour a été de 44 %, légèrement inférieur à celui du premier tour, mais il témoigne d’une mobilisation solide en faveur de la candidature de Milanovic.
Face à lui, Dragan Primorac, un ancien ministre de l’Éducation et des Sciences, n’a pas réussi à convaincre une majorité de Croates. Bien qu’il ait prôné l’unité nationale, le patriotisme et les valeurs familiales, sa campagne manquait de charisme et n’a pas su rallier le soutien des militants du HDZ. En outre, ses critiques sur la politique étrangère de Milanovic, notamment son opposition à l’implication militaire croate en Ukraine, n’ont pas suffi à redresser la situation.
Au-delà des débats politiques traditionnels, les jeunes Croates ont exprimé un profond mécontentement face à ce qu’ils considèrent comme un manque de réponses aux questions qui les concernent directement, comme la crise du logement et les difficultés économiques rencontrées par les étudiants. Selon des témoignages recueillis, une large portion de la jeunesse estime que les préoccupations sociales actuelles sont souvent ignorées par les dirigeants politiques qui privilégient des sujets plus traditionnels ou idéologiques.
Milanovic, avec son style de communication direct et souvent offensif, a su capter l’attention de nombreux Croates frustrés par le manque de réformes substantielles. En dépit des critiques de son rival sur ses positions prorusses et sa gestion des relations avec l’OTAN et l’Union européenne, Milanovic demeure une figure complexe dans le paysage politique croate, qui a su capitaliser sur un certain mécontentement populaire pour asseoir sa légitimité.
Cette réélection, bien que symbolique sur le plan des responsabilités présidentielles, marque un point tournant dans les rapports de force politiques en Croatie, avec un Milanovic qui semble bien installé pour continuer à jouer un rôle de contrepoids face au pouvoir exécutif.