Le 7 mars 2025, un nouvel épisode de violence a secoué la Colombie, dans la région montagneuse du Cauca, où 29 policiers et militaires ont été séquestrés par une dissidence des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), plus précisément le groupe armé de l’État-Major Central (EMC). Cet acte, perpétré dans une zone stratégique pour la production de cocaïne, illustre les défis persistants auxquels est confronté le pays dans sa quête d’une paix durable, près de neuf ans après la signature de l’accord de paix de 2016 avec la majorité des Farc.
L’attaque, qualifiée par le ministère de la Défense de « tentative d’homicide suivie d’une séquestration », a été attribuée à la faction Carlos Patiño de l’EMC, un groupe dissident qui rejette catégoriquement les pourparlers de paix avec le gouvernement. Selon les autorités, des habitants locaux, manipulés par les dissidents, auraient également pris part aux violences. Ces événements se sont déroulés dans les municipalités d’Argelia et d’El Tambo, au cœur d’une région où les Nations unies recensent l’une des plus fortes densités de cultures de coca au monde. Les images diffusées par les autorités – montrant des affrontements avec la police anti-émeute, des jets de pierres et un char en flammes – témoignent de l’intensité de la confrontation.
Des photographies prises par l’organisation locale PUPSOC ont offert un contraste saisissant : les 29 membres des forces de l’ordre, retenus dans un centre communautaire, apparaissent en bonne santé physique, assis sur des chaises en plastique et nourris par les habitants. Ces derniers ont justifié leur implication par une « légitime défense » face aux opérations militaires visant à éradiquer les cultures de coca, leur principale source de subsistance. Cette instrumentalisation des civils par l’EMC a été vivement dénoncée par le président Gustavo Petro, qui a accusé le groupe d’utiliser la population comme bouclier pour compenser son affaiblissement militaire.
Le général Carlos Fernando Triana, chef de la police nationale, a exigé la libération immédiate des otages, pointant du doigt la faction Carlos Patiño, qui s’est séparée de l’EMC en 2024 pour intensifier ses actions violentes dans le Cauca. Pendant ce temps, une autre branche de l’EMC, dirigée par Calarca, maintient un dialogue fragile avec le gouvernement, révélant les divisions internes au sein des dissidences et la complexité des négociations.
Élu en 2022 sur la promesse d’une « paix totale », Gustavo Petro fait face à une crise croissante. Lors de sa prise de parole, il a réaffirmé son opposition à l’éradication forcée des cultures de coca, prônant une approche basée sur des programmes de substitution volontaire et des compensations pour les paysans. Cependant, cette stratégie se heurte à la réalité d’un terrain dominé par des groupes armés – dissidents des Farc, ELN et cartels de drogue – qui exploitent les failles de l’État pour asseoir leur pouvoir. Le Cauca, avec son rôle central dans le narcotrafic, reste un symbole de cette lutte pour le contrôle territorial.
Cet enlèvement intervient dans un contexte de violence endémique qui continue d’endeuiller la Colombie. En 2024, les affrontements armés ont déplacé des milliers de personnes et fait des dizaines de victimes, tandis que les assassinats de leaders sociaux et d’anciens guérilleros démobilisés se multiplient. La politique de « paix totale » de Petro, bien qu’ambitieuse, semble compromise par l’incapacité à désarmer ces factions dissidentes et à répondre aux besoins économiques des communautés rurales dépendantes de la coca.