À 92 ans, dont 42 passés à la tête du Cameroun, Paul Biya s’apprête à briguer un huitième mandat lors de la prochaine élection présidentielle. Ce scrutin s’annonce comme l’un des plus sensibles de l’histoire récente du pays, dans un climat tendu mêlant crise économique, violences dans les régions anglophones, grogne sociale, et lassitude politique.
Depuis son accession au pouvoir en 1982, Paul Biya s’est imposé comme l’un des dirigeants les plus anciens du monde. Sa longévité au sommet de l’État, longtemps perçue comme un gage de stabilité, est aujourd’hui au cœur des critiques d’une jeunesse en quête d’alternance. Le pays est traversé par une fatigue démocratique croissante, alimentée par l’absence de débat pluraliste, le verrouillage institutionnel, et une gouvernance largement contestée.
Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les affrontements entre forces gouvernementales et groupes séparatistes ne faiblissent pas, plongeant une partie du pays dans une spirale de violences chroniques. Cette crise, non résolue, reste un enjeu majeur de la campagne, tout comme la situation économique, plombée par une dette publique élevée, un chômage massif et une inflation qui pèse sur les ménages.
La candidature de Paul Biya pose également la question de sa capacité physique et mentale à continuer de gouverner. L’opposition, bien que morcelée, tente de s’organiser autour de figures nouvelles, mais elle reste confrontée à des obstacles systémiques : un code électoral critiqué, une Commission électorale peu crédible, et des moyens d’expression sévèrement restreints.
« Cette présidentielle pourrait bien cristalliser toutes les frustrations accumulées », analyse Roger Nicolas Oyono Mengue, doctorant à Sciences Po Bordeaux, qui pointe la montée d’une génération politisée, instruite, ultra-connectée, et désireuse de tourner la page.
Reste à savoir si cette volonté d’alternance se traduira dans les urnes ou si, une fois encore, la machine étatique verrouillera le jeu. Une chose est sûre : le Cameroun entre dans une zone d’incertitude politique majeure, où se jouent à la fois la pérennité d’un régime et l’avenir d’un peuple en quête de changement.