Le Chili se tient au bord d’un précipice politique. Dimanche 16 novembre 2025, plus de 15 millions de citoyens ont voté pour un président dans un scrutin qui pourrait consacrer le retour de la droite radicale, une force autoritaire et populiste qui n’a jamais vraiment disparu depuis la fin de la dictature de Pinochet. Après plus de trois décennies de domination post-Pinochet par la gauche, le pays pourrait basculer dans une ère d’incertitude sociale et de polarisation extrême.
La droite radicale joue sur la peur. Criminalité, narcotrafic, immigration clandestine : ces enjeux, longtemps marginaux, ont été transformés en outils de propagande. José Antonio Kast, 59 ans, surnommé le « Trump chilien », incarne ce populisme sécuritaire. Il promet des expulsions massives de migrants, des murs à la frontière avec la Bolivie, et une politique de tolérance zéro face aux gangs. Derrière ses promesses de fermeté se profile une vision autoritaire du pouvoir, où la peur justifie la radicalité.
À ses côtés, Johannes Kaiser, ancien YouTuber et candidat d’extrême droite, radicalise le débat sur tous les fronts : remise en question des programmes de vaccination, opposition à l’avortement, retrait du Chili des accords climatiques et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Ensemble, Kast et Kaiser représentent une droite qui ne se contente plus de conservatisme : elle aspire à remodeler le Chili selon ses codes, avec une posture de force et de contrôle.
Face à eux, Jeannette Jara, candidate de la coalition de gauche Unidad por Chile, tente de défendre un programme progressiste : hausse des retraites, baisse des factures d’électricité, construction de logements sociaux. Mais dans un climat de peur et d’inquiétude sécuritaire, son message de justice sociale paraît inaudible pour de nombreux électeurs, séduits par les promesses radicales d’ordre et de fermeté.
La nouvelle loi sur le vote obligatoire et la mobilisation des jeunes électeurs ajoutent une incertitude supplémentaire. Les moins de 30 ans, représentant un tiers de l’électorat, pourraient faire pencher la balance. Sur TikTok, Kast domine largement, et 30 % de cette tranche d’âge affirment décider de leur vote au dernier moment. La campagne en ligne a été virulente, marquée par des accusations de campagnes de haine orchestrées par Kast contre ses rivales, amplifiant la polarisation.
Aucun candidat n’atteignant la majorité absolue, un second tour est quasiment certain le 14 décembre. Dans ce duel, Kast pourrait capter l’électorat conservateur dispersé et créer une majorité présidentielle inédite depuis la fin de la dictature.
À l’échelle législative, la totalité de la Chambre des députés et la moitié du Sénat sont en jeu. Une victoire de la droite radicale offrirait un contrôle simultané de l’exécutif et du législatif, ouvrant la voie à des réformes drastiques et potentiellement autoritaires dans la sécurité, l’immigration et les droits sociaux.
Cette élection dépasse le simple clivage gauche-droite. Elle révèle une fracture profonde, où la peur et l’insécurité peuvent servir de levier à une droite radicale prête à imposer sa vision autoritaire. Le Chili pourrait connaître une décennie de radicalisation politique, mettant à l’épreuve sa démocratie et sa capacité à résister à la montée de forces extrêmes qui menacent de remodeler le pays selon leur seule conception du pouvoir.

























