Taipei, 26 novembre 2025 – Dans un contexte de tensions croissantes avec Pékin, le président taïwanais Lai Ching-te a annoncé mardi, via un éditorial publié dans le Washington Post, un plan ambitieux de 40 milliards de dollars (environ 32 milliards de francs suisses) de dépenses militaires supplémentaires sur plusieurs années. Cette mesure vise à doter l’île d’une « dissuasion renforcée » face à une potentielle invasion chinoise, en augmentant les coûts et les incertitudes pour la prise de décision de Pékin.
La Chine, qui considère Taïwan comme une province rebelle, n’hésite pas à brandir la menace militaire pour imposer son autorité. Les incursions régulières d’avions et de navires chinois dans l’espace aérien et maritime taïwanais, ainsi que les exercices militaires à grande échelle, entretiennent une atmosphère de confrontation permanente. « Nous cherchons à renforcer la dissuasion en ajoutant des coûts et des incertitudes plus élevées au processus de décision de Pékin concernant l’usage de la force », écrit Lai Ching-te dans son texte, soulignant que « l’engagement de Taïwan pour la paix et la stabilité est indéfectible ».
Cette proposition s’inscrit dans une stratégie plus large : le gouvernement taïwanais prévoit d’élever les dépenses de défense à plus de 3 % du PIB en 2026 (soit environ 30,25 milliards de dollars) et à 5 % d’ici 2030, marquant la plus grande augmentation soutenue de l’histoire militaire récente de l’île. Ces objectifs répondent directement aux pressions des États-Unis, alliés clés de Taïwan, qui exigent une contribution accrue à la défense collective dans la région Indo-Pacifique. Lai n’hésite pas à saluer l’approche « paix par la force » de l’administration Trump, dont le retour à la Maison Blanche a déjà ravivé les appels à un renforcement des budgets militaires alliés.
L’enveloppe supplémentaire, qui s’ajoutera au budget annuel principal, financera des achats massifs d’équipements auprès des États-Unis, ainsi que le développement de capacités « asymétriques » – des technologies innovantes pour contrer une force supérieure en nombre. Parmi les priorités figure le « T-Dome », un système de défense antiaérienne multicouche inspiré du Dôme de fer israélien, visant à rendre Taïwan « imprenable par l’innovation et la technologie ».
Cette annonce survient opportunément après l’approbation, mi-novembre, de la première vente d’armes américaine à Taïwan depuis le retour de Donald Trump au pouvoir : un contrat de 330 millions de dollars pour du matériel militaire. « Ce paquet historique ne se contentera pas de financer de nouvelles acquisitions d’armes auprès des États-Unis ; il améliorera grandement les capacités » de l’île, insiste le président. Ces investissements soulignent la volonté de Taïwan de s’éloigner d’une dépendance purement défensive pour adopter une posture proactive, tout en maintenant une ouverture au dialogue avec Pékin – bien que ce dernier rejette systématiquement les avances de Lai, le qualifiant de « séparatiste ».
Malgré son ampleur, ce plan risque de buter sur des obstacles internes. Le Parlement taïwanais, où le Kuomintang (KMT) – favorable à un rapprochement avec la Chine – et son allié, le Parti du peuple taïwanais (TPP), détiennent un contrôle effectif sur les finances, pourrait freiner ou amender la proposition. La nouvelle présidente du KMT, Cheng Li-wun, a déjà critiqué les initiatives du camp présidentiel, arguant que « Taïwan n’a pas autant d’argent » à consacrer à la défense. Lai Ching-te, du Parti démocratique progressiste (DPP), devra manœuvrer dans un contexte politique fragmenté pour faire passer ce budget “spécial”, qui dépasse les estimations antérieures de 32 milliards de dollars évoquées par des responsables du DPP.


























