Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, inculpé dans trois affaires de corruption, a franchisé une étape décisive : il a déposé ce dimanche une demande officielle de grâce auprès du président de l’État, Isaac Herzog. Cette démarche, rarissime pour un chef de gouvernement en exercice, intervient moins de deux mois après que Donald Trump eut lui-même publiquement appelé Herzog à accorder cette grâce.
Dans un communiqué lapidaire, la présidence a confirmé avoir reçu « une demande de grâce exceptionnelle aux lourdes implications ». Isaac Herzog a fait savoir qu’il examinerait la requête « avec la plus grande responsabilité », après avoir recueilli tous les avis juridiques et institutionnels requis.
Benjamin Netanyahu a justifié sa demande de grâce dans une vidéo publiée sur ses réseaux, évoquant un procès qui, selon lui, « déchire le peuple israélien depuis des années ». Il a souligné la lourde contrainte de devoir témoigner trois fois par semaine, qu’il a qualifiée d’« humainement impossible ». Réaffirmant son innocence, il a présenté la fin immédiate des procédures comme le seul moyen de « refermer cette blessure profonde, apaiser les tensions et permettre à la nation de se retrouver ».
Israël reste profondément divisé après treize mois de guerre à Gaza, des manifestations massives contre la réforme judiciaire de 2023 et une polarisation politique extrême. Le gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays défend parallèlement des projets de loi controversés (peine de mort pour certains actes terroristes, limitation du pouvoir de la Cour suprême, restrictions sur la liberté de la presse), alimentant les craintes d’une dérive autoritaire.
L’opposition a immédiatement dénoncé une « tentative désespérée d’échapper à la justice ». Yair Lapid (Yesh Atid) a parlé d’« un jour sombre pour l’État de droit », tandis que Benny Gantz a estimé que « personne, pas même le Premier ministre, n’est au-dessus des lois ». À l’inverse, les partenaires de coalition de Netanyahu, notamment Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, ont salué une « démarche courageuse pour préserver l’unité nationale ».
La grâce présidentielle, outil rarement utilisé en Israël, nécessite théoriquement que le bénéficiaire reconnaisse les faits reprochés – un obstacle majeur pour Netanyahu qui clame depuis six ans son innocence. Certains juristes estiment toutefois qu’une « grâce exceptionnelle » pourrait être accordée sans cette condition, créant un précédent dangereux.
Isaac Herzog, connu pour son rôle d’arbitre au-dessus de la mêlée, se retrouve désormais au cœur d’une tempête politique. Toute décision – acceptation ou refus – risque d’être interprétée comme un choix de camp dans une société israélienne plus fracturée que jamais.
L’issue de cette requête pourrait non seulement sceller le destin judiciaire de Benjamin Netanyahu, mais redessiner durablement l’équilibre des pouvoirs en Israël.

























