Le Pérou vient de perdre un nouveau représentant de la presse libre. Fernando Núñez, journaliste chevronné du média en ligne Kamila TV, a été abattu de sang-froid samedi 6 décembre 2025 alors qu’il revenait d’un reportage dans la région de La Libertad, dans le nord du pays. Selon l’Association nationale des journalistes péruviens (ANP), il se déplaçait en moto avec son frère lorsqu’un groupe d’hommes armés, probablement des sicarios liés au crime organisé, a ouvert le feu sans sommation. Núñez, touché à plusieurs reprises, est mort sur place, tandis que son frère, grièvement blessé, lutte pour sa vie dans un hôpital de Trujillo, la capitale régionale.
Ce drame porte à trois le nombre de journalistes tués au Pérou depuis le début de l’année, illustrant une escalade alarmante de la violence contre la presse. Reconnu pour ses enquêtes sur la corruption municipale, l’extorsion et le narcotrafic dans le nord du pays, Núñez avait déjà reçu des menaces dans les semaines précédentes, mais aucune protection n’avait été mise en place. L’ANP dénonce « une attaque directe contre la liberté d’informer » et exige une enquête indépendante et rigoureuse.
En janvier, Gaston Medina avait été abattu à Ica après avoir révélé des scandales de corruption. En mai, Raúl Celis López, animateur radio à Iquitos, avait été exécuté pour ses enquêtes sur les mafias et le trafic transfrontalier. Ces assassinats, directement liés à l’exercice professionnel du journalisme, confirment la vulnérabilité des médias péruviens, classés 125e sur 180 dans l’Indice mondial de la liberté de la presse 2024.
La région de La Libertad est devenue un épicentre de violence, avec 236 homicides recensés entre janvier et octobre 2025. Les bandes criminelles s’affrontent pour le contrôle du narcotrafic, des extorsions et des mines illégales. À l’échelle nationale, les homicides ont augmenté de 13 % par rapport à 2024, alors que les institutions peinent à contenir le chaos.
Cette flambée criminelle s’inscrit dans une crise politique profonde. Après la destitution controversée de Dina Boluarte en octobre 2025, le pays traverse une transition instable, avec José Jeri à la présidence par intérim jusqu’en juillet 2026. La violence politique s’entrelace désormais à celle des mafias, comme en témoigne la tentative d’assassinat du candidat Rafael Belaúnde le 2 décembre à Lima.
L’assassinat de Fernando Núñez confirme tragiquement que le Pérou est devenu l’un des pays les plus dangereux pour les journalistes en Amérique latine. L’impunité et la montée du crime organisé transforment l’exercice de la presse en activité à haut risque, faisant du pays un véritable cimetière de la presse libre.


























