Ce vendredi 12 décembre 2025, les 27 pays de l’Union européenne ont pris une décision historique : les avoirs souverains de la Banque centrale russe, estimés à environ 210 milliards d’euros et principalement bloqués chez Euroclear en Belgique, sont désormais gelés indéfiniment.
Fini le renouvellement semestriel et les risques de veto hongrois ou slovaque : le message est clair et brutal. Ces fonds ne seront débloqués que lorsque la Russie aura cessé son agression et payé intégralement les réparations à l’Ukraine. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, résume la rupture stratégique : « Nous allons rendre cette guerre économiquement insoutenable pour la Russie. » Antonio Costa, président du Conseil européen, et Kaja Kallas, haute représentante pour les affaires étrangères, renforcent cette position : tant que Moscou n’indemnisera pas Kiev, pas un euro ne retournera en Russie. Sur X (anciennement Twitter), Kallas écrit : « L’UE vient de décider de bloquer indéfiniment les actifs russes. Jusqu’à 210 milliards d’euros restent sur le sol européen, sauf si la Russie paie pleinement les réparations à l’Ukraine. »
Depuis 2024, les profits générés par ces actifs — entre 4 et 5 milliards d’euros par an — sont déjà redirigés vers l’Ukraine via un mécanisme de prêts à faible taux. La phase 2 est plus ambitieuse : utiliser ces actifs comme collatéral pour un méga-prêt de 165 milliards d’euros destiné à financer l’effort de guerre ukrainien, la reconstruction des infrastructures et le fonctionnement de l’État sur 2026-2027. Ce prêt à taux zéro ne serait remboursable que si la Russie paie les réparations, évitant ainsi une confiscation directe, du moins sur le papier.
La Belgique, qui héberge la majorité des fonds et craignait des poursuites judiciaires russes, a obtenu des garanties : en cas de condamnation, les coûts seront mutualisés au niveau européen. Cela lève un verrou majeur malgré les réticences initiales de pays comme l’Italie, la Bulgarie et Malte.
Dans les capitales européennes, la décision est saluée comme une victoire stratégique. Von der Leyen insiste sur l’objectif d’« accroître le coût de la guerre pour Poutine ». Kallas ajoute : « Il n’y a pas de retour en arrière tant que Moscou n’aura pas payé la facture. » Costa parle d’« une question de justice et de crédibilité européenne ».
À Moscou, la réaction est immédiate et glaciale. La Banque centrale russe dénonce un « acte de piraterie financière » et une « expropriation illégale », lançant des poursuites contre Euroclear devant un tribunal moscovite. Kirill Dmitriev, proche de Poutine, avertit de « conséquences qu’ils ne peuvent même pas imaginer ». La Russie menace également de saisir des actifs occidentaux sur son sol, évalués à 280-300 milliards de dollars, incluant usines, filiales et biens immobiliers.
Viktor Orbán, seule voix dissonante majeure, fustige « la mort de l’État de droit européen » : « On ne confisque pas les réserves d’une banque centrale comme on vole un portefeuille dans le métro. Cette décision vise à prolonger une guerre perdue. »
Pour la première fois depuis 1945, un bloc démocratique neutralise sine die les réserves d’une puissance nucléaire, conditionnées à une capitulation politique et financière. Au-delà des sanctions classiques, l’UE dispose désormais d’une arme économique stratégique pour affaiblir durablement la Russie, même en cas de cessez-le-feu.
Mais ce levier financier, supérieur aux canons, pourrait créer un précédent réutilisable contre l’Europe elle-même. Le sommet du 18 décembre finalisera le prêt ; les prochains mois diront si cet outil sera décisif contre Moscou… ou le déclencheur d’une instabilité financière globale. Les compteurs de la guerre froide économique sont désormais dans le rouge.



























