La Birmanie organise à partir de ce dimanche des élections législatives, présentées par la junte comme une étape vers la réconciliation nationale, près de cinq ans après que les militaires ont pris le pouvoir, mettant fin à une décennie de démocratie.
Depuis le coup d’État de février 2021, l’ancienne cheffe du gouvernement civil, Aung San Suu Kyi, est détenue et purge une peine de 27 ans de prison pour diverses accusations, allant de la corruption à la violation des règles anti-Covid. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), dissous, ainsi que la plupart des partis ayant participé au scrutin de 2020, laisse peu d’alternatives à l’opposition politique.
L’élection, qui se déroule sur trois tours étalés sur un mois, est critiquée par l’ONU et de nombreux pays étrangers. Ces derniers y voient une manœuvre destinée à légitimer un pouvoir militaire acquis par la force. La junte, en revanche, insiste sur son caractère réconciliateur, tout en reconnaissant que l’armée continuera à jouer un rôle déterminant dans la vie politique du pays.
Le scrutin ne pourra pas se tenir dans les zones contrôlées par les groupes rebelles, et la junte a renforcé la répression contre toute opposition ou critique, annonçant la poursuite de plus de 200 personnes pour « tentative de sabotage du processus électoral ». La Birmanie compte environ 22.000 prisonniers politiques, selon l’Association birmane d’assistance aux prisonniers politiques.
Depuis le coup d’État, la guerre civile a fait près de 90.000 morts et 3,6 millions de déplacés, tandis que la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. De nombreux opposants pro-démocratie ont rejoint des guérillas aux côtés de groupes ethniques armés pour résister à la junte. Selon Zaw Tun, officier de la Force de défense du peuple : « Il existe de nombreuses façons de faire la paix dans le pays, mais ils ont préféré organiser des élections à la place. Nous continuerons à nous battre. »
Pour la population, ce scrutin semble davantage relever de la contrainte que du choix. « Presque personne ne s’intéresse à cette élection. Mais certains craignent d’avoir des problèmes s’ils s’abstiennent », confie un habitant de Myitkyina.
Alors que la Birmanie tente de tourner la page d’une crise humanitaire et politique profonde, ces élections apparaissent comme un test fragile de légitimité pour la junte, dans un pays toujours déchiré par la guerre et les tensions sociales.



























