Sans grande surprise, le général Saddam Haftar, jusque-là chef d’état-major des forces terrestres de l’Armée nationale libyenne (LNA), a été propulsé au poste de vice-commandant général. Cette nomination reflète un processus d’appropriation de l’appareil militaire par la dynastie Haftar — une stratégie de familialisation du pouvoir plutôt que d’ouverture institutionnelle.
Depuis 2016, Saddam dirige la redoutée brigade Tariq Ben Zeyad, noyau garde prétorienne de son père, accusée par Amnesty International de graves violations — exécutions extrajudiciaires, tortures et déplacements forcés
Dans cette optique, l’analyste Emadeddin Badi estime qu’« il s’appuie sur des unités répressives pour prétendre hériter du trône de son père »
Cette concentration de pouvoir se manifeste également dans le domaine économique. Saddam s’est positionné stratégiquement dans le secteur bancaire en Cyrénaïque, plaçant ses hommes dans des institutions financières pour débloquer des ressources vitales à ses forces — voire à ses ambitions politiques
Le clan Haftar a su tirer parti du contrôle des champs pétroliers de l’Est. La société privée Arkenu Oil, liée à Saddam, a exporté pour près de 600 millions de dollars de pétrole depuis 2023, court-circuitant ainsi les circuits traditionnels de la Banque centrale de Tripoli
Ce phénomène illustre la militarisation croissante du secteur énergétique libyen et l’affaiblissement du monopole de l’État central.
Sur la scène internationale, Saddam mène une diplomatie proactive. Il a été reçu par le président du Niger pour renforcer la sécurité transfrontalière contre les trafics et le terrorisme
Il a également visité Ankara, amorçant un repositionnement stratégique entre l’Est libyen et la Turquie
Par ailleurs, des discussions en coulisses avec l’Algérie témoignent de sa volonté de diversifier ses alliances régionales
À l’intérieur du pays, son autorité crée des tensions. Lors d’une visite à Sebha, au sud du pays, son arrivée a irrité les autorités locales, accusées d’être exclues des décisions sécuritaires locales
Le rôle de Saddam dépasse les frontières libyennes. Il est considéré comme le principal interlocuteur russe dans la région, à un moment où Moscou pourrait utiliser la Libye comme base pour influencer les flux migratoires vers l’Europe — un rôle qui alarme fortement les États de l’UE
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