Le 26 janvier 2025, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accueilli le ministre tunisien des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti, et sa délégation, dans le cadre d’une rencontre censée renforcer les liens bilatéraux entre l’Algérie et la Tunisie. Cette réunion, saluée par les deux parties comme un exemple de coopération fraternelle, intervient dans un contexte régional où les dynamiques géopolitiques et les enjeux économiques imposent une solidarité accrue. Pourtant, au-delà des déclarations diplomatiques et des échanges de courtoisie, il convient de questionner la portée réelle de cette rencontre et de se demander si la coopération, bien que promise, pourra véritablement dépasser les limites de l’intention.
Les relations entre l’Algérie et la Tunisie, qui reposent sur des bases historiques solides et des intérêts géopolitiques partagés, apparaissent comme un levier essentiel pour une coopération régionale renforcée. Toutefois, il serait naïf de se laisser convaincre que cette rencontre traduit une évolution véritable dans la diplomatie bilatérale. Bien que les discussions aient abordé des sujets clés comme la coopération économique, la gestion des flux migratoires et la lutte contre le terrorisme, ces thématiques ne sont pas nouvelles et leur mise en œuvre concrète reste sujette à des obstacles bien réels.
La question de la gestion des flux migratoires, par exemple, est un défi majeur pour les deux pays. Bien que les ministres aient mis en avant l’importance d’une meilleure intégration des Tunisiens à l’étranger et de la protection de leurs droits, la réalité est que ces sujets ont été maintes fois évoqués sans pour autant aboutir à des politiques durables. Les deux pays partagent des préoccupations légitimes concernant la migration, mais les solutions concrètes et une coopération soutenue restent encore une promesse vague. Dans un environnement régional où l’immigration clandestine et les tensions migratoires deviennent de plus en plus pressantes, l’Algérie et la Tunisie doivent pouvoir offrir des solutions systémiques et non de simples déclarations d’intentions.
Sur le plan diplomatique, le président Tebboune et le ministre Nafti ont évoqué la nécessité d’une approche régionale unifiée face aux tensions croissantes en Libye, au Mali et au Sahel. Cette volonté de « solidarité maghrébine » semble séduisante, mais elle n’est en aucun cas nouvelle. Les pays de la région ont, par le passé, tenté de mettre en place des initiatives de coopération, mais des divergences profondes, notamment sur des dossiers comme la Libye, ont souvent sapé leurs efforts. L’Algérie et la Tunisie, malgré des positions globalement convergentes, n’ont pas toujours été en mesure de faire front commun, ce qui soulève la question de l’efficacité réelle de cette « solidarité » en cas de crise majeure.
Le manque de coordination entre les acteurs maghrébins, que ce soit sur le terrain sécuritaire ou diplomatique, a souvent conduit à des réponses fragmentées et à une incapacité à influencer les grands dossiers régionaux. L’Algérie, avec ses ambitions de leadership régional, doit être consciente que la réussite de ses initiatives dépendra de sa capacité à faire face aux défis internes qui minent sa stabilité politique et économique. Quant à la Tunisie, elle semble dépendre de plus en plus de l’Algérie, ce qui met en évidence une relation de subordination plutôt que de véritable partenariat. Cette dynamique asymétrique pourrait fragiliser la coopération bilatérale, la rendant vulnérable aux revers économiques et politiques.
Le projet de l’Algérie de jouer un rôle de leader dans le Maghreb et au sein de l’Afrique demeure une ambition incertaine. Malgré sa volonté affichée de devenir un acteur clé dans la gestion des crises régionales et de revendiquer son influence dans les discussions internationales, la diplomatie algérienne se heurte à de nombreux défis internes. Les questions de stabilité économique, d’efforts de diversification et de réformes politiques sont loin d’être résolues, et la concrétisation de son rôle de leadership passera par la capacité du pays à instaurer une dynamique de réformes crédibles. Dans ce contexte, les efforts algériens pour structurer une coopération solide avec la Tunisie et d’autres partenaires régionaux risquent de se heurter à la réalité d’une économie fragile et d’une politique intérieure souvent polarisée.