Après l’annonce par le président tunisien, Kais Saied, de renvoyer le premier ministre, Hichem Mechichi, et de suspendre les activités du Parlement, de violents affrontements ont éclaté dans la capitale, à proximité du siège parlementaire. Enfin, les bureaux d’al-Jazeera à Tunis ont été pris d’assaut par les forces de police locales.
Environ 20 agents de sécurité en civil sont entrés dans le bureau local d’al-Jazeera, invitant les journalistes et les employés à quitter le bâtiment. Comme l’a indiqué le directeur du bureau de Tunis, Lotfi Hajji, ils n’avaient reçu aucun avertissement quant à une éventuelle expulsion, tandis que les forces de sécurité ont déclaré avoir agi sur les instructions de la justice tunisienne. Les journalistes ont alors déclaré que les agents de sécurité leur avaient ordonné d’éteindre leurs téléphones portables et qu’ils n’avaient pas été autorisés à revenir récupérer leurs affaires. Enfin, leur équipement aurait été confisqué. À la suite de l’incident, Reporters sans frontières (RSF) a condamné ce qui s’est passé et l’implication connexe des médias « dans les conflits politiques ».
L’assaut contre le siège d’al-Jazeera a coïncidé avec les violents affrontements qui ont éclaté près du bâtiment du Parlement. La situation de chaos et de désordre fait suite à la décision de Saied, annoncée, concernant le limogeage de Mechichi et l’interruption des activités parlementaires pendant 30 jours. Cette décision, à son tour, est la conséquence d’une journée de protestations qui a vu des milliers de Tunisiens descendre dans les rues du pays pour protester contre un environnement économique, mais aussi politique, en détérioration continue, encore exacerbée par la pandémie de Covid-19. Ce dernier a ensuite souligné la fragilité d’un système de santé, qui, pour la population, est victime d’années de mauvaise gestion.
Après l’annonce de Saied, dans la matinée du 26 juillet, l’armée tunisienne a empêché le président du Parlement et les membres de la Chambre des représentants d’accéder au siège parlementaire, les informant qu’ils avaient reçu l’ordre de fermer le siège. Le président du corps législatif, Rachid Ghannouchi, a dénoncé le déploiement de troupes tunisiennes afin de mettre en œuvre les décisions de Saied, considérées comme une violation de la constitution tunisienne et des principes de la révolution. « La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement, mais permet la suspension de ses travaux », a plutôt déclaré Saied, citant l’article 80 qui autorise une telle mesure en cas de « danger imminent ».
De son côté, Ghannouchi a exhorté les officiers de l’armée à rejoindre la population pour sauvegarder la liberté conquise avec la révolution, tandis que tous les blocs parlementaires ont été invités à défendre le corps législatif et la Constitution de la Tunisie. « Les institutions sont toujours en place, les partisans d’Ennahda et le peuple tunisien défendront la révolution », a déclaré plus tard Ghannouchi. Pour les tenants d’Ennahda, parti tunisien d’orientation islamiste modérée, qui détient actuellement la majorité des sièges au Parlement, ce qui s’est passé est « un coup contre la légitimité ».
Les épisodes des 25 et 26 juillet représentent l’aboutissement d’une crise qui dure depuis des mois et dans laquelle s’opposent les chefs des trois puissances, Saied, Mechichi et Ghannouchi.
Pendant ce temps, parmi les premiers pays à commenter les événements en Tunisie figurait la Turquie, dont le président, Recep Tayyip Erdogan, s’est souvent présenté comme un partisan d’Ennahda, à l’instar d’autres mouvements islamistes du Moyen-Orient. « Nous rejetons la suspension du processus démocratique », a écrit le conseiller d’Erdogan, Ibrahim Kalin, sur son compte Twitter, ajoutant : « Nous condamnons les initiatives qui manquent de légitimité constitutionnelle et de soutien populaire ».