Le marché de Tahtaha… Ses rumeurs ténébreuses hantaient mes pensées depuis toujours. Un lieu infâme, où seuls les hommes étaient admis, où les femmes étaient bannies, exclues de toute transaction, de tout passage. Je nourrissais l’illusion que ce marché était empreint de respect envers les femmes, qu’il reconnaissait leur valeur et leur position dans la société en les tenant à l’écart de cette enceinte dépravée. C’est pourquoi, bravant les interdits, je me décidai à entreprendre une petite exploration, arpenter les sinistres allées, écouter les murmures étouffés. Hélas, ce que j’y découvris me plongea dans l’effroi. Le voile de l’illusion se déchira devant mes yeux, révélant un marché souillé à son paroxysme, où règnaient l’impureté et la dépravation. Les pratiques déviantes qui s’y déroulaient étaient la raison première de l’exclusion des femmes, de la haine déclarée à leur encontre. Même à l’époque du Prophète (paix soit sur lui), les femmes faisaient leurs emplettes et commerciaient sur ce marché. Dans les temps révolus du peuple de Loth, de tels marchés étaient réservés exclusivement aux hommes, à ceux qui s’apparentaient à eux et s’adonnaient à l’immoralité entre eux !
Dès mon arrivée sur le marché, un vendeur attira mon attention d’un clin d’œil complice et murmura d’une voix basse : « Veuillez, monsieur, j’ai pour vous une marchandise rare, deux jeunes garçons de la capitale, fraîchement arrivés sur le marché, à un prix abordable. » Déconcerté, je peinais à comprendre ses mots et lui demandai, perplexe : « Pardon, que dites-vous ? » Soudain, l’un des garçons se libéra de son étreinte, tel un agneau qu’on guide, et reçut une claque sur les fesses, accompagnée de ces mots abominables : « Ce garçon n’émet aucune objection, il accepte toutes les positions dans le lit, et son prix est bon marché. » L’horreur me saisit, abasourdi devant cette surprise macabre. D’une voix déchirée, je m’écriai : « Que dis-tu, misérable ? Encourages-tu tes enfants à se prostituer ? » Il me toisa avec un sourire narquois et rétorqua : « Crois-tu que pour une somme conséquente, je retirerais mon pantalon devant tous, ici et maintenant ? Tout le monde se prosterne ou recherche quelqu’un devant qui se prosterner. » Le sol sembla se dérober sous mes pieds, pris au piège de l’indécision. Malgré tout, je me décidai à plonger plus profondément dans les obscurs méandres de ce marché corrompu. Je fus témoin d’hommes parés comme des femmes, arborant tous les artifices de la séduction, leurs corps presque nus, négociant avec des Africains le prix d’une nuit. Je vis également un autre déviant s’exhiber devant tous, sans demande ni contrepartie, à tel point que les visiteurs du marché le crurent atteint du terrible fléau de la syphilis. Et puis, cette scène révoltante où deux jeunes hommes, connus à Oran, s’enlaçaient avec délectation, répandant un parfum d’abomination. Le dégoût et le dégoût m’envahirent, mes sens furent pris de nausée. Je m’échappai de ce marché maudit, avant qu’un éclair ne s’abatte du ciel, réduisant à néant chaque âme présente, à l’image du châtiment infligé au peuple de Loth dans le Coran…