Le projet de loi récemment proposé au Parlement irakien visant à abaisser l’âge légal du mariage à 9 ans pour les filles et à 15 ans pour les garçons incarne une régression inquiétante pour les droits des femmes dans un pays déjà marqué par des traditions patriarcales enracinées. Ce texte législatif, soutenu par des blocs chiites conservateurs, est non seulement une atteinte directe aux libertés fondamentales, mais aussi un retour en arrière qui menace de remettre en cause des décennies de progrès pour les droits des femmes en Irak.
L’argument principal des partisans de ce projet de loi repose sur le respect des doctrines religieuses, notamment la jurisprudence Ja’afari, qui autorise le mariage des filles dès l’âge de 9 ans. Cependant, cette justification religieuse masque mal une volonté de maintenir, voire de renforcer, la domination masculine au sein des familles irakiennes. En proposant que les couples doivent choisir entre les doctrines sunnites et chiites pour régler « toutes les questions de statut personnel », et en stipulant que la doctrine du mari prévaut en cas de différend, le projet de loi ne fait que consacrer la suprématie masculine dans les affaires conjugales.
Le projet de loi propose un transfert de pouvoir préoccupant, passant des tribunaux civils aux bureaux des communautés religieuses chiites et sunnites pour l’approbation des mariages. Cette modification juridique, qui exigerait que ces groupes religieux soumettent une « décision juridique » au Parlement, constitue un abandon des principes de laïcité et d’égalité devant la loi. En permettant aux doctrines religieuses de régir les affaires personnelles, l’Irak risque de sombrer dans un système où les droits individuels, en particulier ceux des femmes et des filles, seront subordonnés aux interprétations religieuses les plus conservatrices.
Les implications de ce projet de loi sont particulièrement alarmantes dans un pays où 28 % des filles sont déjà mariées avant l’âge de 18 ans, selon l’UNICEF. En abaissant l’âge minimum du mariage à 9 ans, cette législation pourrait exacerber la situation, en légitimant des pratiques qui relèvent du mariage forcé et de l’exploitation des enfants. Les critiques, notamment des chercheurs et des militants des droits des femmes, ont raison de dénoncer cette initiative comme une grave atteinte à la dignité et aux droits des femmes, dans un contexte où les protections juridiques sont déjà insuffisantes.
L’opposition au projet de loi est vive, tant au niveau local qu’international. Des voix comme celles de Sara Sambal et Amal Kabash alertent sur les dangers que représente ce texte pour les droits des femmes, en particulier dans une société irakienne où les normes patriarcales dominent. Les protestations à Bagdad et ailleurs montrent que la résistance existe, mais elle est dispersée et doit encore s’organiser pour contrer efficacement l’influence des blocs conservateurs au Parlement.
Le projet de loi irakien visant à abaisser l’âge du mariage ne fait pas seulement resurgir les divisions religieuses et ethniques en Irak ; il met également en lumière les tensions profondes entre modernité et tradition, entre les droits individuels et les doctrines religieuses. Alors que l’Irak continue de naviguer dans les eaux troubles de la reconstruction post-conflit, ce texte législatif controversé pourrait bien être un test décisif pour l’avenir des droits des femmes et pour la capacité du pays à concilier religion et modernité dans un cadre juridique équitable.